SUITE DE LA DEUXIEME SEANCE DE TRAVAIL

SUITE DE LA SEANCE DE TRAVAIL DU 28 JUIN 2009

Sortais, Président de séance: Mesdames et Messieurs, chers collègues, la séance est ouverte et nous reprenons la discussion au point où nous l’avions laissée hier après-midi. Nous avons, je pense, suffisamment parlé, échangé de points de vue, sans arriver à les consigner sur les articles 1703 et, par la même occasion, 1704 et 1705. Je proposerais qu’on arrête, en commençant par l’art. 1706, sur lequel il y aura certainement des observations, puisque par anticipation, notre collègue Larroumet avait fait part de certaines hésitations quant à la rédaction de ce texte. Je mets donc au débat l’art. 1706, que je vous lis d’abord, pour qu’il soit bien présent dans vos esprits. Article 1706 : « Acquisition faite par le mandataire. Le mandant peut revendiquer les biens meubles acquis pour son compte par le mandataire qui a agi en nom propre, sauf les droits acquis par les tiers, par l’effet de la possession de bonne foi. » Alinéa 2 : « Si les biens acquis par el mandataire sont des biens immeubles, ou des biens meubles inscrits au registre public, le mandataire est obligé à les retransférer au mandat. En cas de non accomplissement il y a lieu d’observer les dispositions l’exécution de l’obligation e contracter ». La discussion est ouverte.

Larroumet: J’avais fait allusion à ceci au début de la séance. Il s’agit d’une revendication du mandant contre un tiers, et non pas contre le mandataire, évidemment. Je me demande si c’est quelque chose qui est en harmonie avec la nature du mandat sans représentation, et qui fait qu’il y a un écran total entre le cocontractant du mandataire d’un côté et le mandant de l’autre. Ce qui est sûr, c’est que si les biens ont été achetés par le mandataire, normalement il doit en devenir propriétaire, donc on ne comprend pas très bien comment le mandant pourrait les revendiquer, puisqu’il y a cet écran. Il faudrait qu’il passe par-dessus cet écran : j’avoue que j’ai du mal à comprendre cela. Ceci étant, je dois reconnaître que la solution me paraît très opportune. Je ne sais pas si on peut la justifier facilement, peu importe après tout, elle est opportune et cela est important. Voilà l’observation que je voulais faire. Mais je pense qu’il est difficile effectivement de la justifier, mais après tout elle peut se justifier du simple fait qu’elle est opportune, à partir du moment où le législateur la consacre.

[…]

Prés. Sortais: Y a-t-il d’autres observations sur cette disposition?

Herman: C’est un point peut-être plutôt historique, mais je crois que la possession vaut titre. Cet article dans le code civil relève du droit coutumier français, qui peut-être n’existe pas dans beaucoup d’autres codes, et il est beaucoup discuté par exemple dans la réglementation des marchés médiévaux. Par exemple, dans le Traité de Paul Huvelin, jusque pour vous donner un peu de contexte pour cela, mais il a survécu, comme beaucoup d’autres règles coutumières dans le droit français, sans être identifié en tant que tel. C’était juste un rappel historique.

Larroumet : Oui, c’est une règle très propre au droit français que des tas de systèmes ne connaissent pas. La Common Law ne la connaît pas, le droit allemand non plus. Je ne pense pas qu’il faille faire référence à cela, mais cela serait simplement une protection de la bonne foi, quand on a transmis quelque chose à quelqu’un qui dirait que cela ne lui appartenait et que cela pouvait être revendiqué par un autre.

Prés. Sortais: Cela va présenter des interférences avec la fiducie, évidemment.

Larroumet: Oui, évidemment. Du reste la fiducie, c’est le texte qui suit. Il me paraît plus important.

Gandolfi: En droit hollandais, la solution est différente, et le tiers doit être avisé. Est-ce qu’il y a quelqu’un …

Larroumet: Et s’il est avisé, il n’est plus de bonne foi, et on peut revendiquer. Mais c’est très utile, c’est très opportun aussi…

Gandolfi: pour éviter difficultés, incertitudes, n’est-ce pas ?…

Prés. Sortais: Le fiduciaire doit indiquer sa qualité de fiduciaire, et à partir de ce moment-là, les jeux sont faits… Passons à l’article suivant, l’art. 1707 : « Créances du mandataire. Les créanciers du mandataire ne peuvent faire valoir leurs droits sur les biens que le mandataire en exécution du mandat a acquis en son nom propre, pour autant que lorsqu’il s’agit de biens meubles ou de créances, le mandat résulte d’un écrit ayant date certaine antérieure au transfert ou lorsqu’il s’agit de biens immeubles ou de biens meubles inscrits au registre public, que la transcription de l’acte de nouveau transfert ou de la demande en justice tendant ò l’obtenir, soit antérieure au transfert ». L’article est en discussion.

Larroumet: Je trouve qu’effectivement c’est très opportun. C’’est une solution que me satisfait, car elle présente un très grand intérêt pratique. Mais encore nous avons le problème de la transparence, car à partir de l’absence de transparence je devrais même dire, il y a un écran, il n’y a pas de relation, et les biens dans un mandat sans représentation, sont acquis par le mandataire. Ils sont dans son patrimoine. Logiquement, donc, ses créanciers devraient pouvoir les saisir. Et là on ne le permet pas, bon, il y a des précisions pour les inscriptions au registre etc., mais il est évident qu’on a du mal là aussi à justifier cela, et c’est pour cela que j’ai dit hier, quand j’ai annoncé ce texte, que je pensais qu’on était dans une situation tout à fait identique à celle de la fiducie. On raisonne dans ce texte comme si le mandataire était un fiduciaire.

Prés. Sortais: Oui, tout à fait.

Larroumet: C’est-à-dire que c’est un trust dans la fiducie, du trust, mais pas la fiducie du droit romain, car c’est tout à fait différent la fiducie du droit romain, car les créanciers du droit romain pourraient saisir, si le mandataire n’exécutait pas ses obligations. Mais si c’est une vraie fiducie, comme on la connaît de plus en plus dans les législations occidentales à l’heure actuelle, ou au Québec, aussi, effectivement une personne est titulaire de deux patrimoines séparés, qui n’ont aucune communication entre eux, et ceux qui peuvent saisir les biens qui sont dans un des patrimoines, ne peuvent le faire pour les biens se trouvant dans l’autre, et inversement. C’est cela que nous avons ici. On considère que les biens que le mandataire sans représentation a acquis pour le compte du mandant, ne font pas vraiment partie de son patrimoine. Ils sont à lui, mais ils sont dans un patrimoine séparé, il est un fiduciaire, un trustee en fait. Donc ils ne peuvent pas être saisis par ses propres créanciers. Je trouve que c’est une excellente solution. Le code italien est très supérieur, il faut le reconnaître, au code français. Je dois rendre cet hommage ici, aux italiens, pour avoir un code qui est bien meilleur que le nôtre. Le nôtre est vieux, dépassé, fini, etc. Il faut l’enterrer. Napoléon est mort, le code avec lui. C’est une très bonne solution, mais il faut avoir présent à l’esprit que c’est un mécanisme fiduciaire. Je ne sais pas ce que M. Gandolfi en pense.

Gandolfi: J’ai écouté ; et je tiendrai compte de ton observation, naturellement.

Prés. Sortais: Autres observations? Nous pouvons, passer à l’article 1708. «Contenu du mandat. Le mandat comprend non seulement les actes pour lesquels il a été conféré, mais également ceux qui sont nécessaires à leur accomplissement. Le mandat général ne comprend pas les actes qui excède la simple administration sauf indication expresse. » Si vous permettez, je crois qu’on pourrait peut-être ajouter une précision. On pourrait peut-être dire : « non seulement les actes pour lesquels il a été conféré, y compris les actes matériels qui auraient un caractère accessoire », pour faire une place à ces actes matériels et donner satisfaction à ceux autour de cette table qui ont voulu élargir au-delà des actes juridiques, le contenu du mandat. Peut-être, pouvons nous ouvrir une petite parenthèse en visant les actes matériels accessoires, bien sûr, aux actes juridiques qu’il s’agit d’accomplir. On a peut-être là une formule de compromis qui satisferait tout le monde.

García Cantero: Je propose un article tout à fait neuf, qui pourrait énoncer les obligations du mandataire…. « Les obligations du mandataire sont les suivantes : 1) Le mandataire répond de la bonne et fidèle exécution du mandat dans les limites fixées par le contrat. 2) Le mandataire est tenu de s’acquitter du contrat personnellement sauf dans le cas de substitution. 3) Le mandataire est tenu d’informer à tout moment le mandant de l’état de la gestion commandée et spécialement par sa fin. 4) Le mandataire est tenu de communiquer sans dilation l’exécution ou éventuellement les causes de l’inexécution du mandat. 5) Le mandataire est tenu de restituer au mandant tout ce qu’il a reçu de ce chef à quelque titre que ce soit. 6) Le mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion. 7) Le mandataire est tenu de répondre éventuellement de la gestion de la personne qui l’a substitué.

Prés. Sortais: J’ajoute simplement que nous travaillons un peu par anticipation, car les art. 1710 et suiv. sont dans un paragraphe intitulé « Des obligations du mandataire »… Y a-t-il des observations sur le mandat général, dont la portée serait normalement limitée aux actes de simple administration ? Autrement dit, pour que le mandat puisse impliquer de la part du mandataire des actes de disposition, il faut que cela soit expressément précisé. Dans le mandat général s’entend… Est-ce que la règle paraît satisfaisante à tous ?…

Gandolfi : A l’égard à cette règle, l’art. 1708, j’ai pensé, dans la partie de l’avant-projet que j’ai déjà rédigé, que cette règle peut être conçue également pour les autres contrats que nous voulons nommer « de coopération». C’est-à-dire que la contrepartie est autorisée à effectuer non seulement les actes qui constituent l’objet du contrat, mais aussi qui sont nécessaires à l’accomplissement des opérations elles-mêmes. Et c’est une des raisons pour laquelle j’avais pensé prévoir certaines règles communes, comme celle-ci, qui doit être appliquée à tous les autres contrats en question. Et j’enverrai mon projet à tous les collègues, et ils auront la possibilité de me communiquer leurs observations. Une autre chose : à la fin de la règle, il y a l’expression « les actes qui excèdent la simple administration ». En Italie on parle d’ordinaria amministrazione. Il s’agit d’un concept qui n’est pas défini dans les lois, ni dans le code civil. Alors, dans mon avant-projet, j’ai voulu exprimer une définition concernant « l’acte qui excède la simple administration ». Donc en Italie on dit « ordinaria amministrazione». Mais la jurisprudence a essayé plusieurs fois de définir ce concept, mais il y a des discordances. Alors je pense qu’il faudra trouver l’occasion pour fixer le concept, pas seulement pour le contrat de mandat ou les autres contrats en question, mais pour toutes les hypothèses qui peuvent se présenter dans les situations différentes.

Prés. Sortais: Je serais tenté de dire deux choses à ce sujet. La première, c’est que quelque soin que nous prenions, on ne peut être complètement exhaustif. Il faut laisser un certain jeu à la jurisprudence, car elle a aussi son rôle à jouer dans l’élaboration des règles du droit. Et la seconde, je me demande si, lorsqu’on parle d’actes de simple administration, c’est quand même grosso modo assez clair. Mais c’est une question qui relèverait beaucoup plus – me semble-t-il – du droit des biens que du droit des contrats.

Gandolfi: Oui, naturellement : pour les contrats qui ont pour objet des biens. Mais je pense que, pour une raison de clarté, dans un nouveau code qui doit réglementer tous les rapports de toutes les nations, il vaut mieux essayer de fixer quelques règles qui donnent quelque chose de clair, car il y a eu des abus dans plusieurs cas où une définition n’a pas été formulée.

Gatt: Je crois que M. Larroumet a raison, si j’ai bien compris. Il a suggéré d’introduire un concept, un mot dans les articles de l’avant-projet de code européen, avec lequel nous pouvons exprimer, avec plus de clarté, le concept de la fiducie, de la gestion fiduciaire du patrimoine. Souvent, nous pouvons lire dans la littérature juridique que l’Italie, mais plus la France, car vous avez introduit une législation ad hoc sur la fiducie, mais en général dans les pays d’Europe continentale, nous pouvons lire souvent que ces pays sont des « pays non trust ». Mais je ne crois pas que c’est vrai, car nous avons en Italie – par exemple, et je crois que nous devons l’avoir dans le code européen – un ensemble de règles portant sur la fiducie, nous l’avons déjà. C’est peut-être une bonne idée que de souligner le mot « fiducie », rapport fiduciaire, et souligner aussi la séparation du patrimoine entre le mandant et le mandataire. Telle est ma proposition.

Prés. Sortais: Oui, je serais tenté simplement d’ajouter que …nous avons maintenant une législation sur la fiducie. Mais il y a une vingtaine d’années que nous avons déjà des bordereaux de cession de créances professionnelles, des bordereaux « Dailly », et c’était de la fiducie avant la lettre. Ensuite une loi particulière est intervenue. Et je pense que la même chose s’est vérifiée aussi en Italie, notamment pour la cession de créances professionnelles.

Gatt: Oui, je sais. Vous avez choisi en France une solution de fiducie un peu limitée sur les professionnels, mais je crois que nous pouvons dans le code européen des contrats choisir une solution plus ouverte. En d’autres termes, nous pouvons écrire qu’il y a une séparation patrimoniale entre le mandant et le mandataire. C’est un concept très important pour donner la possibilité de réaliser des opérations similaires au trust dans les pays de l’Europe continentale sujets aux législations nationales.

Grasso: Je me demande s’il ne vaut pas mieux de ne pas mélanger des figures et avoir des types différents pour le trust, la fiducie, à côté du mandat. Ne pas prévoir une spécification au sein de la discipline du mandat, mais faire une figure typique pour bien réglementer tous les aspects qui ont occasionné des problèmes à la jurisprudence, à la pratique, des problèmes même pour les droits des successions, pour la légitime, qui sont vraiment complexes, et qui ont donné la transcription du trust en Italie, des questions de lois qui constituent des gros problèmes et dans la pratique cela mérite peut-être un type spécifique et une réglementation qui n’est pas contenue dans la figure générale du mandat, même si il y a des règles, des côtés semblables.

Prés. Sortais: Oui. Il faut bien prévoir une réglementation distincte applicable à la fiducie. Ce qui n’empêche pas de reconnaître, chemin faisant, dans d’autres institutions, une application particulière de la notion de fiducie.

García Cantero: J’ai prévu un article correspondant à l’art. 1708…. : « Contenus du mandat: L’étendue du mandat est indéterminée, si la convention ne l’a pas expressément fixée par la nature de l’acte juridique auquel il se rapporte. Le mandat s’étend aussi à tout ce qui est nécessaire à son accomplissement. Pour fixer volontairement le contenu du mandat, il faut distinguer entre le mandat général qui comprend seulement les actes d’administration, et le mandat spécial qui ne comprend que l’acte juridique déterminé. Le mandat conçu dans les termes généraux ne permet pas les actes de disposition – j’énumère : intenter un procès, transiger ou compromettre, aliéner ou grever des immeubles, ni faire des donations – Pour ce cas un mandat exprès est nécessaire »….

Prés. Sortais: Oui, cela recouvre à peu près l’actuel article 1708.

Gatt: La proposition du M. Grasso est une proposition très intéressante. En effet nous avons l’habitude de créer une distinction entre le contrat de mandat et les autres contrats à côté. fiducie, trust, etc. Cette proposition est bonne, mais je voudrais inviter les juristes ici présents à réfléchir sur la possibilité d’aller plus loin, et de créer un contrat qui ait la possibilité d’être plus ouvert. Il y a une différence entre le mandat et le trust, mais le concept de la séparation patrimoniale est le même. C’est un concept important à souligner.

Herman: Est-ce que nous envisageons le cas où le mandant devient incapable ? On a toujours le mandat qui existe en faveur du mandataire. Mais historiquement le mandat termine avec l’incapacité. Mais maintenant, par exemple avec les maladies etc., vous avez souvent un mandataire qui va agir lorsque le mandant ne peut pas prendre soin de lui-même pour administrer ses biens au sens large etc. C’est juste une question : savoir si nous allons aborder cette problématique, ou si cela existe déjà quelque part.

Prés. Sortais: La question est abordée par un texte subséquent, mais la solution est exprimée dans des termes qui n’ont plus cours aujourd’hui. C’est l’alinéa 4 de l’art. 1722…. la terminologie n’a plus cours aujourd’hui.

Herman: Mais maintenant j’explique notre expérience : aux USA d’habitude, lorsqu’on écrit son testament, en même temps on écrit un mandat irrévocable, même au cas où il y a incapacité du testateur. Est-ce que l’on voudrait éteindre le mandat à l’incapacité du mandant, ou est-ce qu’on va vraiment dire que c’est pas révocable lorsque le mandant devient incapable ?

Prés. Sortais: Je crois que la distinction à faire est à ce point de savoir si le testateur était lucide au moment où il a pris cette disposition testamentaire….

Sourioux: Ce n’est pas la seule hypothèse. Nous avons réglé en France, par la loi, deux hypothèses : le mandat est fait posthume, mais aussi le mandat de protection future. Je pense qu’effectivement, la question posée par notre collègue est tout à fait d’actualité.

Prés. Sortais: Elle correspond à une préoccupation certaine du législateur contemporain…

Gatt: Je n’ai pas très bien compris la question posée.

Sourioux : … la question est de savoir si le mandant, lorsqu’il ne peut plus avoir la faculté corporelle ou mentale d’administrer, peut à l’avance prendre ses précautions. Un mandat de protection future est fait justement pour permettre à une personne, le jour où ses facultés mentales ou corporelles sont altérées, de désigner à l’avance une ou plusieurs personnes de confiance.

Prés. Sortais: … mais cela pose quand même la question de savoir si au moment où cette disposition a été prise, le disposant avait tous ses esprits…

Sourioux: Oui, bien sûr..

Gatt: Mais c’est un problème marginal de la question centrale de la définition du mandat.

Prés. Sortais: On le retrouvera dans les questions de l’extinction.

Gatt: La question centrale, c’est la question du rapport entre mandant et mandataire, je crois.

Larroumet: Oui, moi je crois que nous n’avons pas à traiter cette question. Ce sont des questions qui relèvent des droits des personnes et ce ne sont pas des questions qui relèvent des dispositions générales d’un code des contrats sur le mandat….Mais je voudrais dire une chose, en revenant sur ce qu’a dit Madame Gatt. Elle a dit qu’il faut complètement séparer les patrimoines du mandant et du mandataire. Oui, mais encore s’agit-il de savoir comment il faut les séparer, et je crois que le problème ne se présente pas du tout de la même façon selon qu’il s’agit d’un mandat avec ou sans représentation. S’il s’agit d’un mandat avec représentation, il est évident que tous les effets du contrat conclu par le mandataire se produiront directement dans le patrimoine du mandant. Et là, il n’y a absolument aucun problème. Ce n’est que lorsqu’il agit sans représentation, lorsque le mandataire a agi en son propre nom, qu’il faut protéger le mandant pour tous les droits qui ont été acquis par lui, par le mandataire : toutes les dispositions que nous avons vues tout à l’heure. Mais je pense qu’il faut absolument mettre ceci dans un code des contrats ; et je vous rejoins tout à fait tous les deux sur la question d’avoir des dispositions sur le contrat de fiducie. Mais il ne faudrait pas confondre le contrat de fiducie avec le contrat de mandat, même si dans le mandat avec représentation on peut quelquefois s’inspirer, en levant le voile, de solutions qui sont admises pour la fiducie. Ce n’est pas une variété de mandat, c’est autre chose, mais cela peut se rejoindre dans le mandat sans représentation. Je crois qu’il serait très important – je ne sais pas si notre coordinateur Gandolfi a pensé qu’on mettrait dans les contrats le contrat de fiducie – mais je crois que ce serait très important.

Gandolfi: Naturellement. Mais je me demande s’il faut régler la fiducie à part ou dans les règles du mandat, ou dans les dispositions communes? Je demande une proposition à mon cher collègue Larroumet.

Larroumet: Moi, je ferais une partie consacrée au contrat de fiducie à part, car le contrat de fiducie a sa spécificité propre. Je pense qu’il ne faut pas le noyer dans les dispositions générales et qu’il est très différent du mandat, donc il ne faut pas le confondre avec le mandat.

Gandolfi: Mais toujours dans cet emplacement, c’est-à-dire près du mandat ? Ou autre part?

Larroumet: Si nous avons des contrats « de coopération » , alors on le mettra dedans, là, je suis d’accord.

Prés. Sortais: Effectivement, le fait de reconnaître dans telle ou telle disposition du mandat une règle de caractère fiduciaire n’interdit pas, voire même au contraire, de séparer distinctement la fiducie en soi.

de Cores: Simplement, je veux observer que le code civil du Québec a une solution très intéressante, qui met dans un ensemble tous les contrats qui relèvent de la gestion du patrimoine d’autrui. C’est un chapitre très vaste, qui comprend le mandat, la fiducie, les autres formes. Ce serait peut-être répondre à la question posée par M. Gandolfi. On pourrait envisager la création d’un chapitre plus vaste, qui pourrait comprendre ces branches d’affaires.

Gandolfi: Dans ma dernière communication sur le factoring j’ai parlé aussi du trust. En Italie, il y a des règles qui ne sont pas semblables aux règles du droit anglais, mais qui sont déjà en vigueur. Je voudrais que notre collègue Gatt s’exprime à ce propos.

Gatt: C’est une question très difficile. A mon avis, choisir de régler la fiducie à part rend ce contrat trop limité. En fait, en France, vous avez fait trois lois en 2007, 2008 et 2009 pour ajuster la réglementation de la fiducie. Je crois qu’il vaut mieux ne pas trop définir, rester sur une conception générale. Ma proposition est la suivante : il convient d’introduire la discipline de la fiducie dans les règles générales des contrats « de coopération », ou dans les règles générales du mandat.

Prés. Sortais: A titre tout à fait anecdotique, je voudrais dire que en France le législateur a dû s’y reprendre à trois reprises pour régir la fiducie… Il s’est agi d’introduire, de forcer la porte, on a mis le pied dedans, et une fois la porte ouverte, on a laissé passer le reste. Voilà l’explication des trois monuments législatifs – si je puis dire – dont nous disposons.

Larroumet: Je vais dans le même sens, mais, malgré tout, avec des nuances. Je pense que le modèle qu’il faut prendre pour la fiducie n’est sûrement pas le modèle français, qui est une catastrophe. La fiducie a été totalement déformée par le législateur français. Non parce qu’elle a été limitée, ce n’est pas là l’essentiel. Le législateur français a voulu consacrer le trust, mais il l’a complètement déformé. Vous avez d’autres systèmes juridiques, même dans l’Europe continentale, qui ont consacré le trust sous le nom de fiducie, d’une façon tout à fait remarquable. C’est le cas du Québec, du Luxembourg et d’autres pays encore, des pays d’Europe de l’Est par exemple, qui viennent d’adopter des législations sur la fiducie qui sont très supérieures à celles du modèle français, qui est le plus mauvais. Mais je ne suis pas convaincu que cela soit pour des raisons fiscales…. C’est tout simplement parce que les français avaient une attitude frileuse, que c’était étranger, cela venait d’ailleurs et qu’ils ne voulaient pas admettre qu’ils n’étaient pas habitués. Ne lisons jamais la loi française sur la fiducie, c’est la plus mauvaise.

Prés. Sortais: Passons à l’art. 1709, qui ne devrait pas occasionner de difficultés: « Présomption de rémunération. Le mandat est présumé être onéreux. Si la mesure de la rémunération n’a pas été établie par les parties, elle est déterminée sur la base des tarifs professionnels ou par les usages. A défaut, elle est déterminée par le juge ». Ce texte ne devrait pas souffrir de discussion. La vieille présomption de gratuité du mandat correspond à un état de choses tout à fait dépassé. La solution inverse qui dit que le mandat est conclu à titre onéreux correspond vraiment à ce qui est vécu de nos jours. Y a-t-il des observations sur ce point?

Pause

Prés. Sortais: Je vous propose d’écouter quelques observations sur la fiducie que souhaiterait nous présenter le Prof. Ciutacu, de Bucarest.

Ciutacu: Je vous parlerai en roumain, mon assistante traduira en anglais. En Roumanie, nous avons deux situations. Nous avons un code civil en vigueur et un nouveau projet de code civil…., combining rules from the continental law with several rules from English law. For example regarding the contracts, especially the mandat contract, we have decided to include in the general part, norms concerning the representation, in two distinct capital chapters; to legiferate in one chapter the mandate contract, the commissionary contract, and in another chapter the agency contract. We do not find neither in the general part nor in the special part rules concerning trust or fidejussio. We chose to include fidejussio – and in professor’s opinion this is a good choice – on the matter of the juridical regime of goods. In his opinion it is a very good solution, because by analogy, we could compare the usufruct and the fiducia on one side, with the location of things on the other side; the first category must be placed in the juridical regime of goods, because it’s a matter of patrimony, and demanded in its varieties to be on the contractual matters. If you admit the fiducia as a contract, the consequences would be that the extinctive prescription, for example, would apply to all contracts, it would be excessive.

Gatt: It’s not so important in my opinion.

Luca: collaboratrice du prof. Ciutacu: The things of fiducia are being placed in the matter of goods. If you compare the fiducia with the fidejussio, and the fiducia and usufruct with the mandate, the usufruct received the juridical regime of goods.

Prés. Sortais: Ce qui est intéressant, c’est de relever que le parti-pris choisi par le législateur roumain, dans son projet, traduit bien l’embarras dans lequel se trouve souvent le juriste continental qui ne sait pas où loger le trust. Est-ce un acte juridique, est-ce un contrat ? Le législateur roumain s’oriente tout à fait différemment et il le fait relever du droit des biens, parce qu’il s’agit au fond d’une façon d’administrer un patrimoine, quel que soit la finalité de la fiducie, qu’il s’agisse d’une fiducie-gestion ou d’une fiducie-sûreté destinée à fournir une garantie à des créanciers. Voilà un parti-pris intéressant à connaître. Je vous propose de reprendre l’examen des articles 1710 et suiv. sous le titre « Des obligations du mandataire »….

Stoichev: I’m sorry but I’d like to make some suggestions concerning the general provisions about the mandate. I’d like to pay attention to a problem with the form of the contract. Mandate is not a formal contract, but nevertheless I’m come from a country where, as an exception, mandate is a formal contract concerning movables. There are two possibilities, this form to be ad substantiam, it’s mild the first choice. So I’m just warning to pay attention to this problem: if necessary to make some proposition in this field. Especially to make contracts formal concerning movables with high value, or immovables.

Gatt: Si j’ai bien compris, sa proposition concerne la forme du contrat ad substantiam, qui a trait aux biens immeubles ou aux biens meubles de valeur élevée.

Gandolfi: Il y a ici le rapport de notre collègue.

Prés. Sortais: Très bien… Alors nous reprenons et je donne lecture de l’art. 1710.

de Cores: C’est une question importante, c’est le cas si l’affaire de gestion est une affaire de gestion à forme solennelle, et si le mandat, qui a pour objet de faire cette affaire solennelle, doit avoir aussi une forme authentique. Il faut savoir s’il s’agit d’immeubles ou de meubles de valeur élevée.

Prés. Sortais: …autrement dit, c’est la question de la forme du contrat. Je crois que la question est traitée dans la suite des articles, mais je ne suis pas sûr qu’elle le soit, et elle mériterait peut-être une précision supplémentaire. Dans la partie générale, il me semble que la question est traitée, qui consiste à dire que le contrat, qui est accessoire à un contrat authentique, doit être lui-même en forme authentique. Je crois que cela se trouve dans le Livre premier. Par conséquent,…

de Cores: La question à se poser c’est si le mandat est accessoire à l’acte de gestion. Je pense que l’on peut discuter, parce que je pense qu’il n’y a pas un rapport de principal à accessoire entre le mandat et l’acte de gestion. On peut dire que ce sont deux contrats très différents avec des structures différentes, et la forme authentique est établie par la loi et doit être expressément, comme règle, établie ; et si elle est établie pour l’affaire de gestion, il faut savoir si on peut étendre cette règle au mandat. Et je en sais pas si c’est une question de principal et d’accessoire.

Larroumet: Oui, nous avons une solution en droit français, sans doute admise dans beaucoup de systèmes juridiques. Ce n’est pas très original. Il y a une jurisprudence en France, alors que la loi ne dit rien, et qui dit que lorsque l’acte à conclure par le mandataire doit être un acte authentique, solennel, le mandat doit lui aussi être authentique ou solennel. C’est une mesure de protection qui me parait tout à fait normal.

Prés. Sortais: Je pense que l’explication, c’est quand même celle d’accessoire ; le mandat se présente comme l’accessoire du contrat de fond à conclure par la suite, il me semble.

Larroumet: Je ne sais pas si c’est vraiment de l’accessoire, parce que le mandat est un moyen de permettre l’accomplissement de l’acte. Il n’est pas une conséquence accessoire de l’acte. Enfin, je crois que ce qui est important, c’est de dire qu’il faut que le mandat soit authentique, et notre ami de Cores pense qu’il faut mettre cela dans le texte. Je crois qu’il a raison.

Prés. Sortais: Je crois, quand au fond, que la solution est justifiée, mais il me semble – il faudrait avoir le temps de vérifier dans le Livre premier – je crois que la question est traitée dans le Livre premier à propos de la forme des contrats…

Gandolfi: … à propos du contrat préliminaire (art. 35, al. 2) et de la procuration conférée au représentant (art. 62, al. 1).

Larroumet: On peut très bien le répéter à propos du mandat, cela ne fait pas de mal…

Prés. Sortais: C’est une suggestion qui mérite d’être accueillie.

Sourioux: Le code civil français par ailleurs a été critiqué, car, lorsqu’il parle du mandat ou procuration, à propos de la procuration décide que le mandat peut être donné par acte authentique ou par acte sous seing privé, mais sans préciser les cas. En revanche, je connais un code qui le dit expressément, c’est le code libanais, qui précise : « Sauf dispositions légales contraires, le mandat ne peut être donné dans une forme différente de celle requise pour l’acte qui en est l’objet ».

Gandolfi: Comme l’affirme depuis des années la jurisprudence italienne, même si le code n’en dit rien, aussi pour le mandat sans représentation.

Prés. Sortais: En outre l’art. 36 dans le Livre premier dispose : « Si une forme spéciale est requise pour la preuve du contrat, la conclusion effective de celui-ci doit résulter d’un acte qui a une telle forme, même si un tal act n’existe pas au moment où les parties ont manifesté la volonté de conclure le contrat ».

Larroumet: Je ne suis pas sûr qu’il s’agisse de la même question…

Ruffini Gandolfi: C’est une question de preuve…

Larroumet: … d’abord, c’est uniquement une question de preuve, Madame Ruffini Gandolfi a parfaitement raison. C’est ad probationem, et non pas ad solemnitatem.

Prés. Sortais: Eh bien ceci devrait nous inciter, je crois, à ajouter une disposition spéciale inspirée du texte que M. Sourioux a bien voulu nous communiquer, qui est extraite du code article 775 du code libanais des obligations: « Obligation des contrats. Sauf dispositions légales contraires, le mandat ne peut être donné dans une forme différente de celle requise pour l’acte qui en est l’objet »… Il n’y a pas de doute, c’est très clair, et cela mérite d’être retenu.

Gandolfi: Cette règle est contenue dans le code italien eu égard à la représentation.

Rogel Vide: En Espangne les actes qui requièrent une forme spéciale sont une exception, ad restringenda. Je pense qu’il est possible d’avoir un mandat non solennel qui permet d’accomplir un contrat solennel.

Prés. Sortais: … alors je dirais, raison de plus, pour que la règle soit formulée expressément si elle ne va pas de soi dans certains différents systèmes juridiques.

Rogel Vide: C’est une décision politique : si je laisse une liberté au mandataire pour conduire mes affaires, je ne mettrais pas moins de prohibition. Si ce que je veux, c’est protéger l’acheteur, en faisant beaucoup de difficultés formelles, alors je ferais cette formule : il faut choisir.

Prés. Sortais: Oui, il faut choisir, et le choix est parfois embarrassant…

de Cores: Simplement, je voudrais dire qu’il faut choisir entre dire expressément : si le mandat vise à faire un contrat solennel, doit lui-même être solennel ; ou bien doit être consensuel. Je ne partage pas du tout la formule de M. Sourioux. Je me permets de le dire : ce n’est pas la question de la même forme, car cela pourrait être le cas d’un mandat dans un acte de gestion qui n’est pas soumis à la forme solennelle, et qui est exécuté comme conséquence d’un mandat qui a été octroyé par acte solennel. Ils n’ont pas la même forme, mais c’est parfaitement possible.

Prés. Sortais: Cela, c’est possible, oui.

de Cores: Il me semble donc que, ou bien choisir l’idée que le mandat d’un acte de gestion solennel doit nécessairement être solennel, ou bien peut être conclu sous une forme quelconque. C’est une question de politique : les européens doivent choisir.

Rogel Vide: La question de la forme solennelle est souvent imposée par la loi. Ce n’est pas une décision du mandant. C’est une décision imposée….

Gandolfi: Il faut rappeler que dans le premier Livre nous avons choisi la forme écrite pour des raisons de garantie des parties, et dans l’alinéa 2 de l’article 36, on lit «Pour la preuve des contrats d’une valeur supérieure à 5.000 Euros, la forme écrite est requise. Pour l’opposabilité aux tiers il faut que le document ou les documents aient date certaine, à moins que l’on prouve que le tiers en avait connaissance ». Puisque notre projet doit résoudre le problème des différences parmi les règles des divers Pays, alors pour garantir les parties en ce qui concerne la somme du contrat, nous avons choisi une règle qui conseille la forme écrite. Aujourd’hui, c’est très facile, il n’y a plus d’analphabétisme et nous avons des appareils qui permettent de communiquer par écrit. Verba volant, scripta manent, dit un adage latin. Il faut recommander le plus possible l’écriture.

Prés. Sortais: J’ai l’impression quand même que l’article 35 répond à la question posée : « … doivent être l’objet d’un acte authentique ou d’un document privé, sous peine de nullité, les contrats ayant pour objet la transmission de la propriété, ou la transmission ou la constitution de droits réels sur des biens immeubles ». Cette règle, qui exige donc un acte authentique ou un acte sous seing privé , « s’applique – alinea 2 – également aux contrats préliminaires », à moins que les règles nationales en vigueur, au lieu de conclusion où se trouvent les biens immeubles « disposent autrement ». Je crois que c’est clair. L’art. 35 me parait répondre à la question.

Larroumet: Il faut avoir une notion très large du contrat préliminaire dans ces conditions ; mais, en général, nous considérons, dans nos systèmes juridiques, comme étant des contrats préliminaires des contrats préparatoires, par exemple comme les promesses de contrat, ou comme les pactes de préférences, etc. Tout dépend de la question de savoir si un juge interpréterait cette disposition comme visant aussi le mandat. C’est possible, mais je n’en suis pas certain.

Prés. Sortais: … on pourrait dire contrats préliminaires ou accessoires, et à ce moment-là on vise large. Considérer le mandat comme accessoire, ce n’est pas mal.

Larroumet: Non, le mandat n’est pas accessoire non plus.

Sourioux: On peut dire mandat, tout simplement.

Rogel Vide: Je veux parler du titre qui fait référence à la forme. Je pense que le problème, que nous sommes en train de considérer, n’est pas résolu ici ; ou bien qu’il peut être résolu en laissant la liberté dans le mandat. Parce que l’art. 34 dit que, lorsque pour la conclusion d’un contrat il faudrait une forme spéciale, cela serait une exception. La situation normale n’est pas celle-ci. Alors on doit prendre une décision. Le problème n’est pas résolu. Il serait nécessaire de se prononcer sur le mandat, parce qu’ici dans le titre IV, relatif à la forme du contrat, on ne dit absolument rien sur cela, et si on dit quelque chose, c’est en faveur de la considération de la forme comme exceptionnelle. Et lorsque nous parlons des contrats « formels », nous ne faisons pas la distinction écrite ou orale : elle doit être formelle, solennelle, un point c’est tout. Les contrats formels sont des contrats avec une forme spéciale. Seuls les contrats privés d’importance économique peuvent être conclus sous une forme quelconque.

Gandolfi: Une autre raison pour prévoir des règles communes pour le contrat de coopération est la suivante: de la forme. Dans la vente, dans la grande partie des ventes, la forme n’est pas nécessaire. Dans les contrats de coopération, la forme écrite doit être prescrite, pour le mandat, pour l’entreprise, pour le transport, sauf exceptions à prendre en considération. Mais dans la grande partie des cas, la forme écrite est déjà appliquée. Je pense que personne n’accepte d’exécuter un contrat d’entreprise, d’une certaine importance, sans un document écrit. Une autre raison: dans ces contrats qui sont durables, qui exigent une série d’opérations, qui permettent de changer l’objet du contrat, de révoquer l’ordre, etc., je pense que tous les entrepreneurs, s’ils sont chargés d’une ouvrage ou d’un service, exigent une lettre de commande écrite.

Prés. Sortais: Bien, alors, prenons quand même les obligations du mandataire. Article 1710 : « Diligence du mandataire. Le mandataire est tenu d’accomplir le mandat avec la diligence d’un bon père de famille. Mais si le mandat est gratuit, la responsabilité relative à la faute est appliquée moins rigoureusement. » Alinéa 2 : « Le mandataire est tenu de donner connaissance au mandant des circonstances survenues qui peuvent déterminer la révocation ou la modification du mandat. » Je crois qu’on a là une règle tout à fait classique dans l’alinéa premier, qui consiste à apprécier de façon plus indulgente la faute que viendrait à commettre quelqu’un qui a agi sans recevoir de rémunération. Quant à l’alinéa second, je dirais qu’il répond à l’une des obligations énoncées tout à l’heure par M. García Cantero, à savoir l’obligation du mandataire d’informer à tout moment, comme vous le disiez, le mandant des circonstances survenues qui peuvent avoir une incidence sur la suite du mandat.

Ruffini Gandolfi: Simplement, sur la mention de la faute je serais un peu prudente, car dans le Livre premier on a envisagé une responsabilité contractuelle qui n’est pas la responsabilité contractuelle traditionnelle fondée sur la faute. Il s’agit plutôt d’un régime qui est à mi-chemin entre la responsabilité pour faute et la responsabilité objective. Donc, ici, ma proposition serait de casser la mention de la faute.

Prés. Sortais: la responsabilité tout simplement sans mettre « relative à la faute » : on peut barrer cette formule, c’est sûr… On pourrait dire : « la responsabilité est appliquée moins rigoureusement », tout simplement.

Larroumet: Je rejoins Madame Ruffini Gandolfi, mais pas totalement. Voici pourquoi : c’est que en fait, traditionnellement, le contrat de mandat est un contrat, en dehors de quelques exceptions très particulières, dans lequel la responsabilité est pratiquement toujours fondée sur la faute. Il y a beaucoup d’autres contrats dans lesquels la responsabilité est objective et sans faute, mais en principe, dans le mandat, la responsabilité est fondée sur la faute. Dans ces conditions serait-il bon de maintenir la faute ?. Je ne sais pas…. Et puis , ce que je crois, en ce qui concerne le mandataire à titre gratuit, c’est que ce n’est pas la question de la faute qui est importante ; ce qui est important c’est le contenu de son obligation. Cela ne veut pas dire, nous n’allons pas reprendre ces distinctions qu’on a connues autrefois dans le droit romain ou dans les anciens droits de nos pays continentaux, entre la culpa lata, la culpa levis, la culpa levissima, etc… Tout ceci n’existe plus de nos jours, donc là n’est pas la question en ce qui concerne la faute. C’est la question de l’étendue et du contenu de l’obligation du mandataire. Cela veut dire que, quand un mandataire est à titre salarié, à titre onéreux, on exige de lui une obligation plus sévère que s’il s’agit d’un mandataire à titre gratuit, qui rend un service à un ami. C’est cela la vraie raison. On apprécie la faute par rapport à l’étendue de l’obligation et à son contenu, mais ce n’est pas une question de culpa levis ou levissima, ce n’est pas du tout cela. Quand on dit: « la responsabilité relative à la faute est appliquée moins rigoureusement », ce n’est pas la faute qui est appliquée moins rigoureusement, c’est la responsabilité, donc le contenu de l’obligation.

Rogel Vide: Ce n’est pas un problème de négligence, c’est un problème de diligence.

Larroumet: … Oui, ce qu’il doit faire…

Rogel Vide: Si le mandat est onéreux, la diligence exigible n’est pas celle du bon père de famille, c’est celle du bon professionnel. La diligence exigible est plus forte que la diligence exigible si le mandat est gratuit. Dans ce dernier cas, la diligence du bon père de famille, qui ne connaît pas très bien, qui n’est pas très intelligent, s’intègre bien. Je parle très sérieusement, à la manière de Carbonnier. C’est la contradiction de cet article pour le mandat onéreux avec une diligence très faible. Pour les contrats onéreux, si vous êtes un professionnel du mandat, vous devez l’honorer conformément aux règles de l’art. 162 de notre projet, pas conformément aux règles du bon père de famille qui ne s’y connaît pas très bien.

Prés. Sortais: Là, il y a quand même quelque chose qui mérite d’être relevé, c’est si on conserve l’intitulé qui est donné à l’article. Il porte bien son nom, il s’appelle « Diligence du mandataire ». Cela fait bien référence au contenu de l’obligation qu’il assume, et dont il doit répondre. Et par la suite, on se réfère à la diligence minimale. Il est tenu d’accomplir avec la diligence d’un bon père de famille. Mais, et alors là, cela introduit l’exception, si le mandat est gratuit la responsabilité est appliquée moins rigoureusement…

Rogel Vide: parce qu’il y a de mauvais pères de famille et des bons pères de famille ; parce que le mandataire qui gagne beaucoup d’argent, doit montrer une diligence bien plus lourde que la diligence de bon ou de mauvais père de famille.

Prés. Sortais: Alors, il faudrait viser le professionnel à côté du bon père de famille. Dire : « avec la diligence d’un bon père de famille ou d’un professionnel, étant entendu que si le mandat est gratuit, la responsabilité est appliquée moins rigoureusement ».

Larroumet: Je rejoins tout à fait ce que vous avez dit, que si le mandat est gratuit, « la diligence du mandataire est appréciée moins rigoureusement ». Voilà ce qu’il faudrait dire effectivement, et pas la responsabilité, ni la faute.

Ruffini Gandolfi: Une petite précision. Selon que l’on parle, ou non, de faute, ou si nous ne parlons pas de faute, il y a une différence au point de vue du fardeau de la preuve, c’est-à-dire de la preuve que le sujet doit fournir pour se libérer. S’il s’agit de faute, il suffit qu’il démontre qu’il a été diligent. S’il s’agit d’un autre critère, il devra préciser la cause dont dérive l’inexécution, dérive le dommage. Il y a une différence importante.

Gandolfi: Il ne faut pas oublier la règle générale de l’article 162, à peine mentionné, selon laquelle, alinéa 1: « En cas d’inexécution…étant sauf ce que prévoit l’al. 3 de cet article, le débiteur est libéré de la responsabilité s’il démontre que l’inexécution, l’exécution inexacte ou le retard ne sont pas attribuables à sa conduite, ceux-ci s’étant produits par suite d’une cause (étrangère) imprévisible et irrésistible ». Alinéa 3. « Dans les cas prévus par l’al. 3, première partie, de l’art. 75( sur l’obligation de faire de nature professionnelle), le débiteur est libéré de la responsabilité pour dommages s’il démontre avoir adopté la diligence appropriée dans la situation spécifique… et s’il fournit les preuves exigées dans l’art. 94 al. 3 (sur l’habilitation professionnelle, les techniques nécessaires etc.). Nous avons adopté la règle du code Napoléon, la règle générale, par laquelle « le sujet passif doit démontrer que l’inexécution n’est pas due à son action ou omission, mais doit être attribuée à un facteur extérieur, irrésistible et imprévisible ». Alors en ce qui concerne le mandat, si nous pensons que le mandat aujourd’hui peut comporter des opérations importantes, prêtées par des professionnels, des personnes dotées d’une préparation etc., il faut alors tenir compte du fait pour que pour le mandataire nous devons prescrire plus qu’une simple diligence, une exécution exacte, et il doit répondre selon cette règle, comme dans les autres contrats, c’est-à-dire comme dans l’entreprise, la commission, l’expédition. Pour le transport, certaines directives, et même certaines conventions, ont prévu la responsabilité objective. Alors le mandataire qui n’opère pas gratuitement, qui ne fait pas une faveur d’amitié personnelle, pourrait être traité comme un entrepreneur. Mais en ce qui concerne la possibilité de le traiter plus favorablement ….

Prés. Sortais: « Compte tenu du comportement, de l’intérêt et des conditions économiques du créancier, le juge peut équitablement limiter l’entité des dommages-intérêts: a) si la réparation intégrale se révèle disproportionnée et crée pour le débiteur des conséquences manifestement insoutenables, au vu également de sa situation économique, et que l’inexécution, l’exécution inexacte ou le retard ne dépendent pas de sa mauvaise foi; b) en cas de faute légère du débiteur, surtout dans les contrats dans lesquels n’est prévue en sa faveur aucune rétribution pour la prestation qu’il doit »: c’est l’art. 168 al. 2 de notre projet.

Larroumet: Ce n’est pas notre problème, cela. C’est uniquement une question du montant de la réparation: limiter équitablement le montant des dommages-intérêts. Il s’agit d’un dommage à priori réparable, mais il ne s’agit pas de porter un jugement sur le comportement du débiteur. C’est une limitation des dommages-intérêts. C’est un peu le contraire l’augmentation des dommages-intérêts, etc., minimisation des dommages et toutes ces choses-là… C’est uniquement une question de dommage réparable, ce n’est pas une question du fait imputable au débiteur. Donc, je ne sais pas si ce texte pourrait permettre de régler notre problème. Je crois que notre problème est très simple : il s’agit de savoir si le mandataire n’est responsable que pour faute. Si c’est le cas, eh bien la faute ne pourra pas être la même selon qu’il y ait professionnel, ou que cela soit à titre gratuit, parce que l’on attend plus d’un professionnel que de quelqu’un qui rend service. Ce n’est pas la faute, c’est le contenu de l’obligation, la diligence attendue du mandataire dont il est question. Et puis deuxièmement, si nous admettons, comme nous l’a dit Gandolfi tout à l’heure, que la responsabilité du mandataire, comme toutes les responsabilités, est en principe une responsabilité objective, sans faute, eh bien, à ce moment-là, on admettra le principe – pourquoi pas ? – au mandat professionnel, mais on peut dire : lorsqu’il s’agit d’un mandat à titre gratuit, la diligence est moins marquée, sans faire allusion à une faute.

Rogel Vide: Credo che questo articolo rimanga a metà strada, tra la situazione originaria e quella odierna. Il mandato originariamente era gratuito, moralmente apprezzabile, proprio del diritto romano, anche giustinianeo. Quando il diritto è diventato laico, le cose sono cambiate, perché i laici non sono tutti moralmente apprezzabili. Invece noi dobbiamo fare una distinzione tra il mandato gratuito e quello oneroso. Quando il mandato ha per oggetto azioni economicamente rilevanti, allora esigo una diligenza seria. Se tu dici che il contratto è oneroso, non puoi domandare la diligenza che esigi da un contratto gratuito. E’ questo il difetto che ha il codice civile italiano, a mio avviso.

Prés. Sortais: Je proposerais la rédaction suivante, peut-être : « Le mandataire est tenu d’accomplir le mandat en toute diligence. Mais selon que le mandat est à titre gratuit ou qu’il est exercé à titre professionnel, la responsabilité est appliquée plus ou moins rigoureusement. » Et là on prend les deux hypothèses.

Larroumet: Oui, c’est très bien. C’est très général, et on peut mettre beaucoup de choses là-dedans.

Rogel Vide: Può andare.

Gatt: En fait je voudrais proposer de faire une distinction entre le mandat professionnel et le mandat occasionnel, entre gratuité et onérosité. Seul le mandat occasionnel peut être gratuit. Le mandat professionnel est toujours onéreux, et le mandat professionnel a une responsabilité conditionnée par une diligence très forte. Il pourrait être opportun de faire cette distinction dans cet article.

Prés. Sortais: Professionnel, sûrement. Mais le titre gratuit me parait mériter d’être précisé.

Larroumet: Il y a des mandats occasionnels qui peuvent être professionnels, évidemment. Donc je pense que la mention gratuit est mieux qu’occasionnel, pour cette raison.

Rogel Vide: Et des mandats gratuits qui peuvent être remplis par une personne très qualifiée, très compétente?

Prés. Sortais: Oui, c’est sûr. Voilà, c’est pour la rédaction que je proposerais volontiers pour l’alinéa premier. L’alinéa second, il n’y a rien à ajouter : « Le mandataire est tenu de donner connaissance au mandant des circonstances survenues » – « advenues », si vous préférez – « qui peuvent déterminer la révocation ou la modification du mandat ». Je crois que cela répond tout à fait à l’obligation d’informer que visait M. García Cantero et que cela n’appelle pas d’observations particulières.

Herman: Juste une petite question. Je me demande s’il faut dire quelque chose sur ce point : si le mandataire doit éviter de se placer dans une situation de conflit entre son intérêt et l’intérêt du mandant. On doit le définir dans notre disposition, ou est-ce qu’on est satisfait sans cela ?

Prés. Sortais: J’ai l’impression que la rédaction, telle qu’elle figure dans l’alinéa deux, répond : « Le mandataire est tenu de donner connaissance au mandant des circonstances survenues ». Cela peut être un conflit d’intérêt survenu. On peut le préciser ; mais je ne sais pas si c’est indispensable, parce que la locution : « les circonstances survenues dans l’exécution du mandat » suffit. Il me semble.

Gandolfi: Cette règle : « Le mandataire est tenu de donner connaissance au mandant des circonstances survenues » est naturellement une règle opportune. Mais le même devoir doit être prévu pour le mandant. Il s’agit d’une autre raison pour concevoir des règles communes pour tous les contrats « de coopération ». C’est-à-dire que pas seulement le mandataire est tenu d’informer la contrepartie. Le mandant (aussi !) doit informer le mandataire des dangers qu’il peut rencontrer. Le commettant doit faire la même chose envers le commissionnaire, etc. Je te donne la charge de faire une certaine chose, et j’ai le devoir de te dire : « Attention ! Tu devras aller dans ce lieu, et j’ai le devoir de t’aviser que tu peux rencontrer des périls, des difficultés ». Dans tous les contrats « de coopération » le devoir d’information doit, à mon avis, être bilatéral, pas seulement à la charge de l’exécuteur, mais aussi à la charge de la contrepartie, le commettant. Une autre raison pour prévoir certaines règles communes, avant de traiter un par un tous les rapports, c’est-à-dire le mandat, la commission, l’expédition, etc. Une autre règle donc : le devoir d’information doit être réciproque.

Sourioux: Je vais tout à fait dans ce sens. Je trouve même que c’est une règle fondamentale, qui est au cœur des contrats « de coopération ». Coopérer veut dire « faire avec ». Donc le devoir d’information est forcément réciproque et constant.

Prés. Sortais: Je voudrais faire remarquer simplement qu’on pourra lui faire sa place dans les obligations du mandant, à l’article 1710, à moins d’avoir un article, un chapeau introductif, qui couvre l’obligation d’information, en insistant sur le fait qu’elle est réciproque pour tous les contrats de coopération.

García Cantero: Je suis d’accord avec cette proposition. Ce devoir d’information doit se référer aux deux parties ; alors le lieu ce serait dans les paragraphes antérieurs. En tous cas, a mon avis, dans le contrat de mandat il faut utiliser des règles les plus flexibles et générales possibles. Je serais d’accord pour mettre devant cet article une règle que je trouve dans le code civil suisse qui dit plus ou moins : « Le mandataire est responsable envers le mandant de la bonne et fidèle exécution du mandat ». Cela explique tout le reste. Quant à la règle finale, « Les circonstances survenues qui peuvent déterminer la révocation ou la modification du mandat », c’est une application du caractère de la confiance. Par exemple, le mandataire est obligé de les notifier au mandant… alors je veux recevoir un mandat de l’autre partie pour être nommé mandataire d’elle-même. Ce serait une possible collusion d’intérêt.

Prés. Sortais: Bien sûr…

García Cantero:… et une autre cause de révocation. Le problème ce serait s’il faut conserver cette règle plus spécifique, ou bien laisser seulement la règle plus générale, qui peut être plus étendue : éliminer la dernière règle qui constitue un cas spécial. Évidemment si le mandataire a connaissance d’une cause de révocation survenue, qui pourrait finir le mandat, il est obligé de le dire. On devrait mettre la règle générale et éliminer la deuxième règle.

Gandolfi: Implicite allusion à la bona fides.

Prés. Sortais: Oui…

Rogel Vide: In tema di fiducia, di confianza (in spagnolo), pensiamo sempre alle persone fisiche, al contratto concluso intuitu personae; ma a volte si stipula intuitu firmae: se non è una persona fisica quella che conclude il contratto, ma, ad esempio, un pool di avvocati o un’organizzazione. Allora il problema riguarda la persona concreta o, diciamo pure, la firma? Chi deve avvertire dell’esistenza di conflitti d’interesse prima esistenti? Questo problema si presenta nella pratica, e la gente che lavora in queste organizzazioni ha una certa tendenza a sorvolare sui problemi che comporterebbero una rinuncia al mandato: per non perdere un’occasione di guadagno. Bisognerebbe quindi considerare l’ipotesi che il rapporto si stabilisca tra un soggetto e un pool di persone, ai fini di un conflitto d’interessi, anche quando sopraggiunga. Ho visto casi di questo genere nella pratica.

Prés. Sortais: Passons à l’article 1711 ; « Limites du mandat. Le mandataire ne peut pas dépasser les limites fixées par le mandat. L’acte qui s’écarte du mandat reste à charge du mandataire, si le mandant ne le ratifie pas ». Alinéa 2 : « Le mandataire peut s’écarter des instructions qu’il a reçues, lorsque les circonstances, ignorées du mandant, sont telles qu’il est impossible d’aviser à temps le mandant, et qu’on doive raisonnablement présumer que le mandant aurait donné son approbation ». Personnellement, je vous ferai part, tout de suite, d’une observation. Je serais tenté de mettre « le mandataire ne doit pas dépasser des limites », au lieu de « ne peut pas dépasser les limites ».

Larroumet: Je voudrais faire simplement une observation sur cet article 1711, qui me paraît très important. Le mandataire doit agir dans les limites de son pouvoir, et tout ce qu’il fait au-delà du pouvoir n’engage pas le mandant. C’est la signification de ce texte, et je crois que c’est une solution qui est admise dans tous les systèmes juridiques. Seulement, il y a un problème particulier qui permet de déroger à cette limite en ce qui concerne les pouvoirs : c’est lorsque le cocontractant du mandataire a ignoré quelle était la limite des pouvoirs du mandant, et c’est un problème tout à fait important, parce que nous avons un conflit entre d’une part l’intérêt du mandant, qui est de ne pas être lié de l’acte accompli par la mandataire au-delà de ses pouvoirs, et d’autre part l’intérêt du cocontractant du mandataire, l’intérêt du tiers, qui est de dire : « Moi, je ne pouvais pas savoir les limites du pouvoir du mandataire, donc j’ai été amené à croire que ce qu’il faisait entrait dans la limite de ses pouvoirs ». Et c’est la raison pour laquelle, dans certains systèmes juridiques européens, on a admis la théorie du mandat apparent, c’est-à-dire en s’inspirant de la règle du droit romain error communis facit ius. Dans la mesure ou le tiers, le cocontractant du mandataire a été victime d’une erreur invincible, que n’importe qui dans les mêmes circonstances aurait pu commettre, à ce moment-là le mandant est lié. C’est la bonne foi du tiers, mais c’est plus que la bonne foi, parce qu’il faut que cela soit une erreur invincible, insurmontable, que n’importe qui aurait pu commettre dans les mêmes circonstances. Donc, dans ces conditions, la question qui se pose est de savoir si nous ne pourrions pas admettre une dérogation au principe énoncé par l’alinéa premier de l’art. 1711 du code italien, c’est-à-dire, autoriser une exception lorsqu’il y a cette error communis.

Prés. Sortais: Bien.

Sourioux: Je pense que c’est un problème tout à fait fondamental, au moins dans la perspective de la position française, bien sûr. Celle-ci a évolué du point de vue de la jurisprudence de la Cour de Cassation, qui ne se contente plus maintenant d’invoquer l’erreur invincible, mais une autre notion qui est celle de croyance légitime. Croyance légitime n’est pas l’erreur invincible. Ce n’est pas une question d’erreur, mais de croyance, et qui repose sur deux éléments : une croyance vraisemblable, et une croyance dispensée de vérification. Ceci étant, cela concerne aussi – on pourrait le traiter également à propos du mandat – ce problème dit du mandat « apparent ». Mais on peut effectivement, dès maintenant, l’indiquer à propos du dépassement du mandat, car en réalité il y a deux hypothèses : il y a l’hypothèse du dépassement des limites, et il y a l’hypothèse d’aucun mandat, qui a été réellement donné, mais le pseudo-mandataire s’est comporté de telle façon que le tiers a cru qu’il était habilité à représenter une personne, le mandant.

de Cores: Je dirai seulement qu’il s’agit d’un problème traité à l’article 61 du Livre premier de notre projet.

Prés. Sortais: Le « représentant apparent »…..

Gatt: Je voudrais indiquer en plus de l’ article qu’a déjà mentionné M. de Cores…

Prés. Sortais:…. « Dès lors qu’un sujet n’a pas le pouvoir d’agir au nom et dans l’intérêt d’un autre, mais que celui-ci a agi de manière à induire le tiers à contracter en lui laissant raisonnablement croire que celui-là avait un tel pouvoir, le contrat est conclu entre le représenté apparent et l’autre partie contractante ».

Gatt: … aussi l’article 64 : « Représentation sans pouvoir ». Et il y a la différence sur laquelle M. Sourioux intervenait ; c’est-à-dire la différence entre la représentation sans pouvoir, et l’abus de pouvoir.

Sourioux: Dépassement de pouvoir…

Larroumet: Cela revient au même : qu’on ait dépassé le pouvoir ou que l’on n’ait pas de pouvoir, la sanction doit être la même…

Gatt: Pour nous Italiens, il y a une différence.

Rogel Vide: Il y a une hypothèse où l’activité du mandataire sans mandat engage le mandant. C’est la negotiorum gestio, quand il a fait quelque chose dans l’intérêt du mandant. Le mandant ne peut pas dire « non !» en droit espagnol ; mais aussi dans d’autres droits.

Larroumet: Oui.

Gatt: C’est une autre situation…

Rogel Vide: Ce n’est pas un problème de représentant apparent et de légitimation extraordinaire dérivée de l’apparence, avec la participation du tiers. Des fois, l’activité d’une personne qui n’a pas de mandat, ou qui dépasse les limites du mandat, engage quand même le mandant ou l’agent qui reçoit les bénéfices, parce que l’on a un quasi-contrat : la negotiorum gestio.

Gatt: C’est une autre situation…

Sourioux: N’est-on pas alors là en présence en gestion de l’affaire, plutôt…

Rogel Vide : . … sans mandat…

Sourioux: Oui, quand il n’y a rien, gestion de l’affaire. Quand c’est dans l’intérêt de la personne, gestion d’affaire.

Gatt: Mais il y a deux articles très important dans le Livre premier, les articles 61 et 64.

Gandolfi: A propos de ce qu’a dit notre Collègue Rogel Vide, à la page 18 (si je me rappelle bien) de mon rapport introductif, que vous avez reçu, il y a la règle du code argentin, selon laquelle il est possible que le mandat soit conféré même par inaction ou « silencio, non impidiendo hacerlo quando el mandante sabe che alguien sta haciendo alguna cosa a su nombre ».

Prés. Sortais: J’ajoute que lorsqu’on a à faire avec un mandat avec représentation, le tiers qui contracte avec un mandataire sait qu’il a en face de lui un mandataire, et non pas quelqu’un qui agit pour son compte propre. Par conséquent, la première précaution qu’il doit prendre, c’est de faire justifier par le mandataire de l’existence et de l’étendue de ses pouvoirs. Cela dit, bien sur qu’il faut faire une place au mandat apparent dans un certain nombre d’hypothèses. Je pense en particulier à l’hypothèse où le mandant étant décédé, le mandataire l’ignorant, et le tiers à plus forte raison, bien entendu à ce moment-là on ne peut éviter de faire place au mandat apparent, si les deux parties sont de bonne foi, le mandat continuera à produire ses effets post mortem. Nous continuons: article 1712 : « Communication de l’exécution du mandat. Le mandataire doit communiquer sans retard au mandant l’exécution du mandat ». Alinéa 2 : « Le retard du mandant à répondre après avoir reçu une telle communication pour un laps de temps supérieur à celui requis par la nature de l’affaire ou par les usages emporte approbation même si le mandataire s’est écarté des instructions ou a dépassé les limites du mandat ». Y a-t-il des observations sur ce texte? Cela répond également à une autre des obligations mentionnées par M. García Cantero.

García Cantero: Il me semble qu’il faudrait séparer deux aspects. D’abord le devoir d’information ; d’autre part, la communication de l’exécution du mandat. Tous les codes civils actuels établissent des devoirs d’informer sur la conclusion du mandat. Mais il me semble qu’il faut spécifier que pendant le mandat, à moins que le mandant ne dise rien – il est normal à tout moment de l’exécution du mandat – le mandataire soit obligé à communiquer ; et maintenant il y a beaucoup de facilités de communication, téléphone mobile, courrier électronique… de mettre au courant à tout moment le mandant, qu’il le demande lui-même ou non. Je propose un nouvel article qui pourrait dire : « Le mandataire est tenu d’informer à tout moment le mandant de l’état de la gestion, et spécialement il est obligé de lui transmettre l’information qu’il a reçu par l’application de la législation sur la protection des consommateurs ». C’est un cas spécial, car la législation des consommateurs règle minutieusement les droits et les devoirs d’information. Alors le mandataire est obligé de transmettre tout de suite toutes les renseignements qu’il a reçus pour cela. Donc : consacrer soit dans le même article, comme première partie, ou comme un autre article indépendant, ce devoir général d’information et, deuxièmement, ce devoir de communication de l’exécution du mandat, qui est à mon avis très bien réglementé à l’article 1712.

Prés. Sortais: Je dirais que c’est une question d’espèce, là. Cela dépend un petit peu du contenu du mandat et de l’esprit dans lequel les parties ont contracté, car tout de même le mandataire est quelqu’un qui a une certaine « liberté d’allure », disait Rodière. Autrement dit, lorsqu’il concluait un contrat, lorsqu’il fait affaire avec quelqu’un, c’est sa propre volonté qui s’exprime. Certes, c’est au nom et pour le compte d’autrui, mais c’est sa propre volonté qu’il exprime. Autrement dit le mandataire n’est pas un simple nuncius, un simple porte-parole. Il ne dit pas : « M. X m’a chargé de… ». Il dit : « Je suis chargé par M. X de…, mais c’est moi qui décide, c’est moi qui émet l’acte de volonté ». C’est pour cela que je crois que la formule actuelle me parait suffisante, mais on peut effectivement d’envisager d’aller plus loin, et de systématiser le rapport d’information, notamment dans les rapports impliquant les droits du consommateur, parce que, évidemment, la protection du consommateur a pour effet de renforcer ce devoir.

Clavería Gosalbez: Je suis d’accord avec García Cantero, en rapport avec ce devoir général d’information. Mais où est-il ? Je ne trouve aucune règle que l’on peut référer à ce devoir. Il y a dans l’article suivant l’obligation de rendre compte d’une chose spécifique, différente. Je pense que nous devons comprendre ce devoir général, duquel dérivent d’autres devoirs.

García Cantero: Nous pouvons penser au cas de la vente ou de l’achat d’un immeuble. La jurisprudence de la Cour de cassation espagnole a établi que les informations données par la publicité (c’est-à-dire le mandataire voit la publicité, la réclame … et après il signe le contrat) donc la Cour de cassation a établi que les renseignements donnés dans la publicité font partie du contrat. C’est très important pour le mandant d’avoir cette information au préalable.

Prés. Sortais: Oui, dans la mesure où elles font partie du contrat. Je constate tout de même que dans beaucoup d’offres publicitaires, il est précisé : « Ceci ne correspond pas à des conditions contractuelles ». C’est vraiment une phrase qui revient à chaque instant dans les documents publicitaires. Autrement dit, celui qui lance sa publicité, le fait pour appâter le client, mais il entend bien ne pas être du tout engagé par les informations qu’il a données ; elles sont non-contractuelles. Je crois que c’est très répandu comme façon de faire.

Gatt: Juste une petite chose. Peut-être pouvons-nous choisir d’introduire, ou pas, dans cet article le devoir du mandataire d’envoyer le compte-rendu aussi aux tiers, si l’opération de mandat prévoit aussi l’implication des tiers. En d’autres termes, peut-être le mandat implique-t-il la nécessité pour le mandataire de se rapporter à des tiers, car nous avons parlé longuement hier sur le rôle des tiers dans le contrat de mandat. Je me demande alors s’il y a la possibilité de prévoir, dans l’article que nous examinons, la nécessité de rendre compte aussi aux tiers.

de Cores: Simplement, comme une opinion, je pense que le compte-rendu est restreint aux rapports entre le mandant et le mandataire ; c’est un aspect soumis à la réserve. C’est un problème de compte du mandant, un problème interne entre mandant et mandataire.

Gatt: Mais il y a la possibilité que nous soyons en présence du mandat en faveur de tiers. Il y a beaucoup de mandats en faveur de tiers. En Italie, par exemple, dans notre système, le tiers acquiert un droit au moment de la conclusion du contrat, un droit sur les biens, sur l’activité, sur tout ce que vous voulez. Alors je me demande : si nous avons le tiers qui a un droit immédiat?

Prés. Sortais: J’ai l’impression que l’on dérive du contrat de mandat à la stipulation pour autrui, car là on est plutôt en présence d’une stipulation pour autrui, et c’est simplement à partir du moment où le bénéficiaire a donné son acceptation qu’il peut prétendre tirer bénéfice du contrat stipulé pour lui.

Gatt: Exactement, je me réfère à cela…

Prés. Sortais: Bien, pouvons-nous aborder l’article qui a trait à l’obligation de rendre compte. Il s’agit de l’article 1713 : Obligation de rendre compte . «Le mandataire est tenu de rendre compte au mandant de sa gestion, et de lui faire raison de tout ce qu’il a reçu en vertu du mandat ». Alinéa 2 : « La dispense préalable de l’obligation de rendre compte n’a pas d’effet au cas où le mandataire doit répondre pour dol ou pour faute lourde ». Je pense que ce texte est tout à fait admissible. Je serais tenté par un souci d’élégance formelle : « la dispense préalable de l’obligation de rendre compte ne saurait couvrir ni le dol ni la faute lourde du mandataire ». C’est une simple question de forme, pour le dire en termes un peu plus brefs et qui me paraissent plus élégants.

On continue

Prés. Sortais: Mesdames et Messieurs, nous reprenons la séance ; et je vous propose de reprendre tout simplement l’examen des textes après l’article 1713. Nous abordons l’art. 1714 sur : « Les intérêts sur les sommes reçues. Le mandataire doit payer au mandant les intérêts légaux sur les sommes reçues pour compte du mandant à partir du jour où il aurait dû en faire la remise ou l’envoi, ou bien les employer selon les instructions reçues ». Est-ce que ce texte appelle des observations ? Cela rejoint l’obligation de restitution dont parlait M. García Cantero ce matin. Pouvons-nous passer au texte suivant, art. 1715 ? « Responsabilité pour les obligations des tiers. A défaut de convention contraire, le mandataire qui agit en son propre nom ne répond pas envers le mandant de l’exécution des obligations assumées par les personnes avec lesquelles il a contracté, hormis le cas où l’insolvabilité de ceux-ci lui était ou aurait dû lui être connue au moment de la conclusion du contrat ». Autrement dit, la règle, c’est que, bien entendu, le mandataire n’est pas « ducroire », il ne répond pas de la solvabilité des tiers avec qui il va traiter. Mais, en revanche, une exception est prévue au cas où l’insolvabilité des tiers, avec qui il a contracté, lui était connue, ou aurait dû lui être connue : et c’est peut-être un peu sévère, ce n’est pas très gentil pour le mandataire, c’est le moins que l’on puisse dire. Y a-t-il des observations sur ce texte?

Sourioux: Je pense qu’effectivement cela peut paraître un peu lourd ; mais je pense qu’il y a là encore deux situations à envisager : celui qui intervient à titre gratuit, cela me semble effectivement lourd, dans la mesure où on a vu ce matin que la diligence était moins exigeante que pour celui qui intervient à titre professionnel ; personnellement, au contraire, je pense que, pour celui qui intervient à titre professionnel, le membre de phrase « ou aurait dû lui être connue » ne me parait pas excessif.

Prés. Sortais: Alors peut-être faudrait-il dire : « hormis le cas où l’insolvabilité de ceux-ci lui était connue ou aurait dû lui être connue … ou pour les professionnels». Introduire une sorte de proposition incidente qui vise le professionnel, lorsqu’il s’agit d’une virtualité de connaissance. Alors abordons l’article 1716, qui vise le cas de la pluralité de mandataires. « Sauf convention contraire, le mandat conféré à plusieurs personnes désignées pour opérer conjointement n’a pas d’effet s’il n’est pas accepté par celles-ci ». Alinéa 2 : « S’il n’est pas déclaré dans le mandat que les mandataires doivent agir conjointement, chacun d’eux peut conclure l’affaire. En pareil cas, aussitôt que le mandant est averti de la conclusion, il doit en aviser les autres mandataires. A défaut, il est tenu à réparer les dommages découlant de l’omission ou du retard ». Alinéa 3 : « Si plusieurs mandataires ont de quelque façon que ce soit opéré conjointement, ils sont obligés solidairement envers le mandant ».

Luna Serrano: Forse questo articolo 1716 non è sistematicamente ben collocato; perché se noi lo leggiamo, notiamo che la maggior parte di esso riguarda una ‘modalità’ del contratto di mandato, ma non le ‘obbligazioni’ del mandatario: « sauf convention contraire, le mandat conféré à plusieurs personnes, désignées pour opérer conjointement, n’a pas d’effet s’il n’est pas accepté par celles-ci ». Questa frase non ha riguardo alle obbligazioni del mandatario. E quanto all’alinéa 2 : « S’il n’est pas déclaré dans le mandat que les mandataires doivent agir conjointement, chacun d’eux peut conclure l’affaire (…) », anche qui non vengono in gioco le obbligazioni del mandatario. E l’alinéa 3 concerne la responsabilità solidale. Credo quindi che, per ragioni sistematiche, una simile norma dovrebbe venire prima di quelle riguardanti le obbligazioni del mandatario.

Prés. Sortais: C’est une remarque dont il faudrait tenir compte.

Sourioux: Ne pourrait-on pas prendre le problème en amont, pour éviter tout cela, et dire que, lorsqu’il a plusieurs mandataires qui doivent agir conjointement, « déclaration doit en être fait dans le mandat » ?

Prés. Sortais: Oui.

Sourioux: Cela rejoint ce que dit notre collègue Luna Serrano, car cela prend encore mieux sa place en amont.

Prés. Sortais: Ce qui est très curieux dans l’al. 3, c’est le contraste entre le fait qu’ils ont opéré conjointement et qu’ils sont tenus solidairement. C’est quelque chose qui choque un petit peu, parce que normalement, quand on est créanciers conjoints ou débiteurs conjoints, il n’y a pas de solidarité. Et c’est précisément là ce qu’on nous le dit.

Sourioux: Une anecdote: une remarque de mon maître de droit civil. Jean Boulanger, avant d’être agrégé, avait commencé par être clerc de notaire. Et il nous disait toujours que les notaires, souvent, justement utilisent la phrase « par devant un tel et un tel, qui se sent engagé conjointement et solidairement » … Mais non ! Ce n’est pas juridique. Il faut soigneusement distinguer l’hypothèse du conjointement et du solidairement.

Prés. Sortais: Pour moi, cela produit un effet de contraste. Ou bien ils sont conjoints ou bien solidaires, mais pas les deux.

Herman: Je me demande si cela ne relève pas de la responsabilité délictuelle, quand vous avez deux acteurs qui ont opérés conjointement, et qui sont solidairement obligés. Je crois que c’est la formulation pour les délits.

Prés. Sortais: « Conjointement » a un sens très particulier. C’est la négation même de la solidarité. Agir conjointement, cela ne veut pas dire agir ensemble, mais agir ensemble d’une certaine manière, de façon que chacun ne soit tenu que pour sa « part et portion », comme dit le code civil français, ou ne soit créancier que pour sa « part et portion », car cela joue sur les deux aspects, actif comme passif, bien sûr.

Ruffini Gandolfi: Mais l’art. 1294 du code italien dispose que « les codébiteurs sont obligés solidairement, si la loi ou le titre n’en dispose pas autrement » ; et l’art. 88 al. 1 du Livre premier de notre projet est conforme.

Prés. Sortais: Et en droit français, si l’on est en droit commercial, c’est un usage du contrat, parce qu’en droit commercial la solidarité s’impose si elle n’a pas été écartée, alors qu’en droit civil il faut une stipulation expresse pour que la solidarité s’applique.

Ruffini Gandolfi: Nous avons eu en Italie l’unification du droit civil et du droit commercial ; et donc le code civil a reçu des règles qui viennent du droit commercial.

Près. Sortais: Voilà, tout s’explique. La même règle italienne s’applique dans les deux droits, en matière civile ou commerciale. Tandis que dans le droit français, il y a deux règles distinctes et opposées. Dans un cas la solidarité doit être expresse, dans l’autre elle est présumée.

García Cantero: Encore à propos de l’art. 1714. Il semble que le devoir de payer les intérêts c’est accessoire du devoir de restituer tout ce que le mandataire a reçu. Il doit rendre le capital mais aussi les intérêts. Le mandataire est tenu de restituer tout ce qu’il a reçu, puis doit payer les intérêts. Autrement, c’est quelque chose qui est un peu dans le vide. On paye les intérêts parce qu’on a reçu les intérêts. Donc lorsqu’on restitue, on paye aussi les intérêts.

Prés. Sortais: Peut-on passer au texte suivant, 1717 ? « Substitution du mandataire. Le mandataire qui s’est substitué à quelqu’un dans l’exécution du mandat sans y être autorisé et sans que cela ne soit nécessité par la nature de la charge répond du fait de la personne à qui il s’est substitué ». Alinéa 2. « Si le mandant avait autorisé la substitution sans détermination de la personne, le mandataire ne répond que de sa faute dans le choix ». Alinéa 3. « Le mandataire répond des instructions qu’il a données à son substitué ». Alinéa 4. « Le mandant peut agir directement contre la personne que le mandataire s’est substituée ». Mais ce n’est pas le mandataire qui s’est substitué à quelqu’un. Il fait agir quelqu’un à sa place.

Sourioux: Le mandataire s’est fait remplacer par quelqu’un dans l’exécution du mandat.

Blanc-Jouvan: C’est pas très juridique « se faire remplacer »…

Prés. Sortais: Effectivement, c’est comme quand on parle de la « fin du contrat », ce n’est pas très juridique.

Sourioux: On se fait remplacer par un collègue dans nos cours… (rires).

Prés. Sortais: Donc : « Si le mandant avait autorisé la substitution sans détermination de la personne, le mandataire ne répond que de sa faute dans le choix ». C’est la fameuse culpa in eligendo que l’on retrouve. Je crois qu’il n’y a rien à dire ici. S’il a fait appel à une personne notoirement insolvable, il a évidemment commis une faute dont il devra répondre. Alinéa 3, et alinéa 4 : y-a-t-il des observations ? Alors article 1718 : « Garde de la chose et protection des droits du mandant. Le mandataire doit pourvoir à la garde des choses qui lui ont été envoyées pour le compte du mandant, et veiller au droit de ce dernier envers le voiturier, si les choses présentent des signes de détérioration ou sont parvenues en retard ». Alinéa 2 : « S’il y a urgence, le mandataire peut procéder à la vente des choses conformément aux dispositions de l’art. 1515 ». Alinéa 3 « Il doit aviser immédiatement le mandant de ces faits, ainsi que de la non-arrivée de la marchandise ». Alinéa 4 « Les dispositions de cet article s’appliquent également si le mandataire n’accepte pas la charge à lui conférée par le mandat, pour autant qu’une telle charge entre dans l’activité professionnelle du mandataire ». Ici il y a un terme à ajouter : «charge à lui conférée ». Je proposerais de substituer au terme « voiturier », qui sent un peu la marine à voile et les lampes à huile, de proposer le terme « transporteur ». Aujourd’hui, on ne parle plus de « voiturier » dans les textes juridiques, mais de transporteur. Y a-t-il des observations sur ce texte?

Luna Serrano: Peut-être que le titre de l’article « Garde de la chose et protection des droits du mandant » est plus large que ce que disent les mots employés. On doit ajouter quelques mots, en indiquant que le contenu de l’article ne porte pas seulement sur les choses qui ont été envoyées, mais sur toutes les choses appartenant au mandant. Je crois que le contenu de l’article n’est pas très précis et ne fait pas attention à toutes les choses qui appartiennent au mandant.

Prés. Sortais: Dans un cas pareil, on a le choix entre deux choses : ou bien restreindre quelque peu le titre, de façon qu’il corresponde au contenu de l’article, ou bien élargir le contenu de façon qu’il corresponde au titre. C’est l’une ou l’autre des solutions. Je serais plutôt favorable à l’idée de restreindre le titre, car ce qui est visé, c’est effectivement les choses qui sont envoyées au mandataire pour le compte du mandant. Je ne crois pas qu’on puisse trop généraliser. C’est quand même particulier : on vise les droits à faire valoir à l’égard d’un transporteur…

Luna Serrano: Peut-être peut-on ajouter quelques mots : « et le mandataire doit pourvoir à la garde des choses du mandant, ou qui lui ont été envoyées »… alors nous prenons en compte toutes les choses…

Prés. Sortais: Alors là on élargit, c’est possible, oui…

Luna Serrano: Parce que l’article porte seulement sur les choses qui sont envoyées à la personne du mandant, pas les autres choses du mandant.

García Cantero: Alors il me semble que cet article comporte pas mal de problèmes dans sa rédaction. Je voudrais savoir si en Italie cet article a donné lieu à jurisprudence, et dans quel sens. Parce qu’autrement, je serais partisan de ne pas tenir compte de cet article, car les faits qui sont décrits pourraient être poursuivis par la responsabilité extracontractuelle.

Prés. Sortais: Oui, je vois ce que vous voulez dire… Si vous me permettez une observation, je pense que ce type de règle a souvent eu l’occasion de s’appliquer à la commission de transport, parce que le commissionnaire de transport se présente comme un intermédiaire entre le premier transporteur et celui qui va suivre, et on voit très bien les obligations qu’il peut avoir relativement à la garde des choses qui lui ont été adressées et qu’il doit faire suivre…

García Cantero: Est-ce que dans le droit français existe un article pareil?

Prés. Sortais: Non, pas dans le mandat… le code civil français n’est pas toujours une excellente référence. Il a vieilli sur pas mal de points.

Gandolfi: La Cour de cassation italienne a interprété la règle au sens restrictif, c’est à dire comme ne concernant que les choses qui ont été expédiées au mandataire ou par celui-ci reçues en tant que destinataire. Mais peut-être s’avère-t-il que cette règle devient inutile parce que ce problème se présente dans tous les contrats « de coopération »… Tous les chargés ont le devoir de veiller, de conserver, etc. Je pense que la règle peut être placée parmi les règles communes.

Prés. Sortais: J’ai l’impression que plus nous avançons dans nos travaux, plus nous nous apercevons qu’il y a matière à « colloquer » – si je puis dire – des dispositions communes couvrant l’ensemble des contrats, ou qu’on veuille les appeler de coopération. Mais l’expérience nous montre, au fur et à mesure que nous parcourons les textes, que la qualification n’est pas de trop et qu’elle a sa place, et qu’elle couvre un certain nombre de règles communes.

Sourioux: Dans cette ligne, je pense qu’on est en train de faire un exercice de logique juridique, qui est animé par le postulat suivant, à savoir que la nature juridique commande l’unité de régime juridique. Par conséquent, hier, quand nous avons essayé de discuter du point de la qualification, de la nature juridique, nous n’avions pas les éléments suffisants du régime. Si, en continuant plus notre travail, on se rend compte qu’il y a deux ou trois règles fondamentales qui s’appliquent dans tous les contrats, eh bien nous respections cette logique juridique, cette nature juridique: contrats «de coopération» égal régime juridique unique par ces quelques règles communes.

Prés. Sortais: J’ai l’impression que la preuve se fait en marche.

Sourioux: Cela devient une réalité.

Prés. Sortais: Exactement.

Luna Serrano: Peut-être il y a d’autres considérations à faire, pour ne pas considérer ici, comme le dit notre coordinateur, la règle de l’art. 1718 : parce que l’article 1713 ( «Obligations de rendre compte. Le mandataire est tenu de rendre compte au mandant de sa gestion, et lui faire raison de tout ce qu’il a reçu en vertu du mandat ») c’est une règle, encore plus générale.

García Cantero: Mais il me semble que l’on rende compte deux fois, à la réalisation du mandat et à la liquidation.

Prés. Sortais: On pourrait fondre effectivement…

Luna Serrano: … au moment il a été appelé à rendre compte Il y a obligation de rendre compte si le mandataire a été appelé à rendre compte.

Prés. Sortais: Et nous passons alors aux obligations du mandant, 2ème paragraphe ; et au passage, je vois en relisant que les règles des art. 1713 et 1714 pourraient être refondues en un seul article. Dans les deux cas, il s’agit simplement de rendre compte soit des choses qu’on a reçues, soit des sommes dont on est débiteur. Paragraphe 2 « Des obligations du mandant ». Art. 1719: « Moyens nécessaires à l’exécution du mandat. Sauf convention contraire, le mandant est tenu de fournir au mandataire les moyens nécessaires pour l’exécution et pour l’accomplissement des engagements qu’en vertu du mandat, le mandataire a contractés en son nom propre ». Est-ce quelqu’un a des observations à faire?

Ruffini Gandolfi: Je pense qu’ici aussi nous sommes en face de lacunes, c’est-à-dire qu’avant de prévoir cette obligation, on devrait prévoir l’obligation d’informer, de renseigner le mandataire : en correspondance avec la même obligation que nous avons vue pour le mandataire. A moins que nous voulions mettre cette obligation dans la partie introductive concernant ce genre de contrats.

Prés. Sortais: Ce matin, effectivement, il a été question d’une double obligation d’information, pesant non seulement sur le mandataire mais aussi sur le mandant, et effectivement cela pourrait prendre place pour compléter la disposition de l’article 1719. Je crois que c’est une suggestion qui mérite d’être retenue. Autres observations sur ce texte de l’art. 1719? Nous pouvons passer à la suite. Art. 1720 : « Frais et rémunération du mandataire. Le mandant doit rembourser au mandataire les avances, avec les intérêts légaux à partir du jour où elles ont été faites et lui payer le salaire qui lui revient ». Alinéa 2 : « Le mandant doit en outre réparer les dommages que le mandataire a subis à cause de la charge ». Je pense que peut-être on pourrait ajouter : « et lui payer éventuellement le salaire qui lui revient ». Car on a décidé que le mandat était en principe onéreux, mais on ne peut pas écarter l’hypothèse qu’il soit à titre gratuit, donc mettre « le cas échéant le salaire qui lui revient », pour faire la part entre les deux types de mandat.

Sourioux: A partir du moment où on a admis que le mandat est « présumé onéreux », je trouve que l’adverbe « éventuellement » est insuffisant. Il faut donc trouver une autre expression.

Gandolfi: .. « le salaire qui a été convenu »…

Prés. Sortais: Je mettrais même le conditionnel : «Le salaire qui aurait été convenu»… Et puis même chose pour la phrase suivante, je passerais aussi au conditionnel : «Le mandant doit en outre réparer les dommages que le mandataire aurait subis à cause de la charge», «ou en raison de/à l’occasion de sa mission », je dirais et non pas « à cause de la charge .

Gandolfi: Oui.

[…].

Prés. Sortais: Passons à l’article 1721…

García Cantero: Je me demande si on pourrait mettre le devoir du mandant, dans le cas de mandat non représentatif, de libérer le mandataire des obligations qu’il a assumées. Sur commission, le mandant est tenu de fournir les moyens nécessaires pour l’exécution du mandat et pour l’accomplissement des engagements. Pas seulement de donner des moyens, mais de les libérer. C’est-à-dire que le mandant doit, dans le rapport interne, assumer des obligations.

Prés. Sortais: je comprends ce que vous voulez dire : le mandant doit prendre à sa charge les obligations que le mandataire a contractées pour son compte.

Gandolfi: Mais pas dans tous les cas…

García Cantero: Les obligations naissent directement dans la tête du mandant. Dans le cas du mandat non représentatif, les obligations sont assumées par lui-même le mandataire.

Prés. Sortais: … par le mandataire … et par conséquent le mandant doit les prendre à sa charge.

García Cantero: Pas tous les frais; mais qu’il est obligé, il faudrait le dire, établir l’obligation de libérer de cette obligation, …

Prés. Sortais: La façon de les libérer, c’est de les prendre à sa charge.

García Cantero: Qui a signé doit payer… mais je suis simplement un mandataire. Nous paierons tous les frais… Le mandant doit assumer les obligations qu’a prises le mandataire. Il faudrait dire cela explicitement ici.

Gandolfi: Mais peut-être que le mandataire ne désire pas que le mandant prenne à sa charge vis-à-vis du tiers les obligations contractées par le mandataire ; et qu’il désire recevoir ce qu’il a dépensé, sans que le mandant entre en rapport avec le tiers. C’est un problème qui concerne aussi, et spécifiquement, le commissionnaire, et il peut être considéré comme pouvant être placé parmi les règles communes aux contrats « de coopération ».

Prés. Sortais: Mais là, il s’agit simplement de régler les comptes, si j’ai bien compris, les rapports entre mandant et mandataire. Les tiers sont tout à fait en dehors de la question, c’est bien cela ?….

Gandolfi: Oui, mais on a dit que le mandant doit prendre à sa charge les obligations assumées par le mandataire. Dans quel sens ? Doit-il les éteindre vis-à-vis des tiers ?

García Cantero: Si le mandataire est engagé, il pourra être condamné… il faudrait dire : assumer, transférer les obligations qu’il a assumées au mandant, … céder les obligations. Telle est l’idée. Je ne sais si c’est nécessaire de le mettre ici, ou bien dans d’autres articles portant sur le mandat.

Prés. Sortais: Si la règle doit être insérée – et nous devons y réfléchir – c’est bien là qu’elle doit être insérée. Cela ferait partie des obligations du mandant, de désintéresser le mandataire…

Gatt: Je crois que nous pouvons introduire dans cet article : « sauf convention contraire ». Nous pouvons écrire : « Sauf convention contraire, le mandant doit rembourser au mandataire les avances avec les intérêts légaux à partir du jour où elles ont faites. » Ce « sauf convention contraire » concerne exclusivement le premier alinéa. Après « où elles ont été faites », je pense que nous devons introduire un point.

Prés. Sortais: Et donc?

Gatt: Ensuite nous pouvons écrire : «Le mandant doit payer les salaires qui lui reviennent ». Deuxième alinéa ; nous devons peut-être dire : «Le mandant doit en outre réparer les dommages que le mandataire a subis à cause de la charge». Mais nous devons spécifier que ces dommages ne sont pas imputables au mandataire. Le mandataire peut être celui qui a occasionné le dommage avec son comportement. Alors il serait bon de dire que le mandant doit réparer les dommages que le mandataire a subis à cause de la charge, mais avec un comportement contre la bonne foi, ou contre la diligence… J’espère que je suis claire, quand je dis que nous devons spécifier à la fin de l’article 1720 que le mandant doit réparer le dommage seulement si le mandataire a tenu un comportement incorrect. Le mandant doit réparer les dommages que le mandataire a subis à cause de sa charge…

Prés. Sortais: … sans faute de sa part… C’est cela que vous voulez dire…

Gatt: Oui, exactement.

Pres. Sortais: Il suffit de l’ajouter.

Gatt: Parce que c’est incomplet pour moi. Et c’est important prévoir la possibilité de convention contraire pour le remboursement, les avances, etc. car, comme a dit M. Gandolfi, il peut y avoir la possibilité que les parties décident en sens contraire.

Rogel Vide: Je porte en avance des affaires et effectue des paiements. Si je ne suis pas remboursé, alors il y a un enrichissement sans cause.

Gatt: Il y a la possibilité que les parties décident d’un salaire particulièrement élevé, où l’objet du contrat est obtenu et les avances et remboursements et autres frais à charge du mandataire n’existent pas. Car, dans les mandats concernant la gestion du patrimoine, les frais du mandataire sont peu élevés. Quand l’objectif…

Rogel Vide: Ce sont des choses différentes. Si j’ai un salaire ou une rémunération pour mon travail, c’est une chose différente de la somme d’argent que je dois payer pour des choses qui ne sont pas à moi. Peut-être y a-t-il une nuance. Ce n’est pas très orthodoxe. Je m’exprime bien ou pas ?

Prés. Sortais: Oui.

Gatt: Je crois qu’il appartient aux parties de décider cela.

Rogel Vide: Je pense que non. Si vous faites des paiements pour le compte de l’autre, vous devez être remboursé parce que, sinon, il y a un enrichissement sans cause.

de Cores: Simplement, cela ne serait pas une règle d’ordre public, donc en principe dérogeable par la volonté des parties… sans nécessité de le dire expressément.

Prés. Sortais: La question peut se régler sur le terrain du risque. En acceptant de verser un salaire plus élevé, le mandant entend se couvrir de tout risque. S’il y a un dommage qui survient, il est pour le mandataire, qui a reçu une rémunération en conséquence des risques qu’il a pris. Je crois.

Rogel Vide: Je pense que ce sont des choses différentes. J’ai l’obligation de payer des choses, c’est une chose différente de mon salaire, ou de ma rémunération. Alors je dois obligatoirement me faire rembourser. Mon patrimoine augmenterait sans contrepartie.

Prés. Sortais : Je crois que l’idée c’est que la contrepartie, elle se trouve dans la rémunération.

Gatt: Oui, mais dans la pratique, il y a beaucoup de contrats où les parties décident de ne pas s’intéresser aux frais. Je paye seulement le salaire et rien d’autre. Dans la pratique, un tel contrat est possible.

Prés. Sortais: Bien, après cet échange pouvons-nous passer à l’article 1721 ?

de Cores: Je m’excuse, mais je reviens sur le thème de la proposition de substitution de la phrase « lui payer le salaire qui lui revient », et la remplacer par « le salaire qui a pu être convenu ». La convention ici pose la question du mandat tacite et le cas où le salaire n’a pas été expressément convenu. C’est cela qui marque la coordination avec l’art. 1709, qui parle de la présomption d’onérosité du mandat, mais la mesure de la rémunération ne peut pas être établie par les parties. Une chose est de dire qu’il n’y a pas de convention sur la rémunération, et une autre chose est de dire qu’il n’y pas de convention sur le montant de la rémunération. Mais si je lis « le salaire qui lui revient », cela me semble une idée plus générale et plus adéquate, car cela comprend le cas où il y a convention expresse sur le paiement, c’est-à-dire un mandat expressément onéreux, et aussi le cas où les parties n’ont rien dit en matière de salaire. Si nous mettons le salaire qui a été convenu, cela suggère l’idée qu’il faut nécessairement qu’il y ait une convention sur le salaire ou bien sur son montant, mais ce n’est pas clair.

Prés. Sortais: Oui. « Ce qui lui revient », cela peut permettre de faire référence aux usages, à défaut d’une convention. C’est une remarque intéressante, elle mérite d’être prise en compte. Alors, article 1721 : « Droit du mandataire sur les créances. Le mandataire a le droit de se satisfaire sur les créances pécuniaires issues des affaires qu’il a conclues, avec priorité sur le mandant, et sur les créanciers de ce dernier ». Je dois avouer que je ne suis pas très satisfait de l’intitulé donné : Droit du mandataire sur les créances; cela n’explique pas ce qui suit, je trouve.

Luna Serrano: Je crois que le dernier mot de cet article est un peu hasardeux, parce que nous créons une priorité légale, mais pas seulement sur le mandant, mais aussi sur les créanciers de ce dernier, nous créons une priorité légale générale…

Prés. Sortais: Cela s’appelle un privilège… en termes juridiques.

Luna Serrano: Oui. Si nous mettons cela dans notre projet, nous pouvons penser qu’il y a d’autres créanciers qui seront servis avant le mandataire, par exemple, l’Etat pour les impôts, le crédit fractionnaire, etc., etc. Mais un jour si ce projet arrive à être promulgué comme loi, ce code mettra en arrière les autres créanciers prioritaires. Per ora possiamo dire questo, ma se un giorno questo testo fosse legge, sarebbe come ultima legge contro la legge che dice che è prioritario il credito della sicurezza sociale o il credito dell’erario pubblico, ecc. Quindi è troppo azzardato dire non soltanto “ha priorità sul mandante”, ma “sui creditori di quest’ultimo”. Ce mot final sur les créanciers est trop audacieux, va trop loin.

Prés. Sortais: Cela institue une sorte de privilège, et le privilège c’est une faveur que la loi accorde en raison de la créance.

Luna Serrano: Il faudrait peut-être ajouter quelque chose, ou bien le supprimer.

Herman: Peut-être, ici faudrait-il souligner une idée qu’on avait déjà évoquée, c’est-à-dire une séparation très claire entre le patrimoine du mandataire et du mandant, et aussi le patrimoine des autres. On en a discuté précédemment, comme dans le mandat avec fiducie. Je me demande si ce ne serait pas le cas ici de souligner ce fait dans cette formulation…

Prés. Sortais: Je crois en tous cas que l’intitulé est à changer. Ce titre ne me satisfait pas. Je ne sais pas comment tourner l’intitulé, mais il n’est pas satisfaisant. Le texte ne fait pas la différence selon que le mandat est un mandat représentatif ou un mandat sans représentation. Il faudrait distinguer les deux hypothèses. La distinction parait s’imposer dans un texte comme celui-là. Parce que si le mandat est représentatif, on peut comprendre que le mandataire ait le droit de se satisfaire sur les créances pécuniaires. Mais si le mandat est sans représentation, c’est différent, car il y a des tiers qui interviennent alors, et les tiers ne sont pas toujours censés savoir qu’ils ont en face un quasi-fiduciaire. Il faut y réfléchir.

[…]

Sourioux: Je reste sur ma faim en ce qui concerne les obligations du mandant ; car, ce matin, je crois que nous avions faits référence à l’occasion des obligations du mandataire. Il me semble que ce serait plutôt à l’occasion des obligations du mandant, à ce qu’on appelle le mandat apparent. Mais là, je suis un peu gêné parce que Dieu sait si ce n’est pas mon tempérament que de faire du nationalisme juridique, mais je suis amené à vous citer d’une part un article du code civil français et d’autre part un arrêt de la Cour de cassation française. Je vous prie de m’en excuser, c’est simplement pour que vous m’éclairiez à votre tour. D’abord dans le code civil, il est indiqué comme première règle, qui me semble quand même fondamentale des obligations du mandant, l’art. 1998 : « Le mandant est tenu d’exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné ». Est-ce que l’on retrouve cela dans tous les contrats « de coopération », et là peut-être la règle pourrait-elle être élevée. Cela, c’est la première remarque. Le code civil continue en disant : « Le mandant est tenu de ce qui a pu être fait au-delà qu’autant qu’il l’a ratifié expressément ». Et là nous retrouvons une des hypothèses de ce matin, c’est à dire le dépassement de mandat. Et il y a plus. Il y a l’hypothèse d’absence de mandat. La Cour ce Cassation française a décidé depuis 1962 dans cette hypothèse, je vous lis l’attendu de principe : « … mais attendu que le mandant peut être engagé sur le fondement d’un mandat apparent, même en l’absence d’une faute susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers à l’étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs.. ». Et il faut bien savoir que, dans la vie pratique du droit, cela arrive souvent. Donc, la question que je vous pose : Où faut-il traiter de cette hypothèse ?

Prés. Sortais: … du mandat apparent.

Gandolfi: L’art. 61 du Livre premier concerne précisément le représentant apparent et donc nous pourrions….

Prés. Sortais: Mais je crains de devoir malheureusement prendre congé car mon train part dans une demie heure … ce n’est pas une apparence… c’est une réalité malheureusement, à grand regret car la discussion est de plus en plus intéressante, mais je suis obligé de prendre un congé collectif et de vous dire : « Saluti a tutti! » (applaudissements de l’assemblée).

Président de la séance de Cores: Prenant la présidence, je vais continuer à coordonner la discussion. Nous sommes à la fin de l’article 1721. Nous commençons la discussion de l’article 1722.

Rogel Vide: On parlait du mandat apparent. Effectivement il y a un article dans le Livre premier qui parle du représentant apparent. Il résout à peu près le problème. Cet article, que je lirai ensuite, a un rapport avec le venire contra factum proprium. Quand le mandant fait confiance aux tiers, il doit prendre ses responsabilités. Art. 61 « Dès lors qu’un sujet n’a pas le pouvoir d’agir au nom et dans l’intérêt d’un autre, mais que celui-ci a agi de manière à induire le tiers à contracter en lui laissant raisonnablement croire que celui-là avait un tel pouvoir, le contrat est conclu entre le représenté apparent et l’autre partie contractante ». J’étudiais cela quand j’étudiais le venire contra factum proprium. C’est une personne avec laquelle le mandataire a des rapports quotidiennement, au point qu’il semble être son homme de confiance. Cet homme de confiance établit des rapports avec les tiers. Il ne dit rien, mais les gens pensent qu’il est l’homme de confiance de l’autre. Alors, cela marche bien.

Sourioux: Oui. Si je comprends bien, il ratifie l’autre, en quelque sorte. C’est implicite.

Rogel Vide: Ce n’est pas une ratification…

Sourioux: Implicite… compte tenu des usages, de ce qui se passe habituellement entre eux. Mais je connais la pratique, et la Cour de cassation a très souvent utilisé cette notion dans des hypothèses où, véritablement, il n’y a aucune familiarité, aucune cohabitation, aucune complicité. C’est une personne qui s’arroge des pouvoirs que le mandant ne lui a jamais donné. La preuve, c’est qu’ils disent : « … même en l’absence d’une faute susceptible d’être reproché au mandant ». Il est vraiment extérieur à cela, cela arrive dans la pratique. Tant mieux si cela n’arrive pas chez vous. C’est peut-être propre à la vie pratique dans le droit français. Très souvent cela existe en matière de représentation dans la vie sociale ; et alors je en suis pas sûr que votre représentant apparent, que vous citez, couvre l’hypothèse que vous indiquez, mais pas l’autre.

Rogel Vide: Seulement partiellement.

Sourioux: Alors, peut-être faudrait-il en tenir compte ?

Prés. de Cores: M. Sourioux, vous faites une proposition ; et il y a ce, qu’on peut dire, un problème de procédure. Vous faites une proposition sur les obligations du mandant. Vous proposez d’insérer concrètement, comme obligation du mandant, prendre à sa charge un mandat apparent. C’est comme cela que l’on peut résumer?

Sourioux: Mais si dans vos Pays respectifs, sinon les textes, au moins la Cour suprême, la Cour de cassation, a jugé dans le même sens. Si c’est propre au droit français, on le laisse tomber. Car la Cour de cassation dit bien : « attendu que le mandant peut être engagé sur le fondement d’un mandat apparent » ; engagé, c’est-à-dire obligation est faite à lui, donc il s’agit bien des obligations du mandant. Mais si c’est proprement national, on en parle plus.

Prés. de Cores: En réfléchissant à ce que vous dites, la nature du mandat ou plutôt du mandat avec représentation implique que les effets de l’affaire de gestion tombent directement sur le patrimoine du mandant. Ce n’est pas une question de l’obligation du mandant de se faire charge des effets de l’affaire de gestion. C’est simplement un effet direct qui retombe sur la tête du mandant. Je vois bien votre idée. On pourrait dire à l’article 61, que les effets dans le cas du mandat apparent, donc les effets dans le patrimoine du mandant, peuvent entrer en deux cas : si le mandant a fait quelque chose pour faire que le tiers puisse croire qu’il y a mandat, ou par contre, dans le cas où le mandant ne fait rien, mais le tiers avait légitimement cru que le mandat existait. Ce que vous soulevez, je pense, c’est une réforme de l’article 61 dans le sens qu’on devrait changer le fondement de l’effet sur le patrimoine du monde, non tant sur le fait que le mandant a agi de quelque façon que ce soit, mais sur le fait que le tiers a pu légitimement croire qu’il y avait un mandat. Je pense que c’est le problème. Mais ce problème, systématiquement, doit être placé dans les règles du Livre premier du projet, et pas comme une obligation du mandant car il n’y a pas un problème d’obligation du mandant, mais des effets immédiats sur le patrimoine du mandant.

Sourioux: C’est tout à fait cela. Si je me suis permis de reposer la question, c’est que notre collègue a confirmé ce qu’il avait dit ce matin, avec le représentant apparent, qui me paraît viser pas la totalité des problèmes.

Prés. de Cores: C’est une remarque qu’on peut remettre à l’attention du coordinateur. Nous continuons avec la discussion des articles suivants. Article 1722 : « Extinction du mandat. Causes d’extinction du mandat. Le mandat cesse 1) par l’échéance du terme ou par l’accomplissement par le mandataire de l’affaire pour laquelle le mandat avait été conféré ; 2) par la révocation émanant du mandant ; 3) par la renonciation du mandataire ; 4) par le décès, l’interdiction ou l’inhabilitation du mandant ou du mandataire. Toutefois le mandat qui a pour objet l’accomplissement des actes relatifs à l’exploitation d’une entreprise ne cesse pas si l’exploitation de l’entreprise est maintenue, sauf le droit de retrait des parties et des héritiers » . La discussion est ouverte.

Ruffini Gandolfi: Sans vouloir réouvrir la discussion d’hier (actes juridiques seulement, ou également matériels à accomplir par le mandataire), je voudrais simplement souligner que l’accomplissement des actes relatifs à l’exploitation d’une entreprise ne signifie pas seulement l’accomplissement d’actes juridiques mais aussi des choix économiques, etc. Et c’est justement l’accomplissement d’actes relatifs à l’exploitation de l’entreprise qu’en droit anglais constitue l’objet possible de l’agency. Simplement cela.

Prés. de Cores: Dans ce cas, je pense que la solution à laquelle nous sommes arrivés est d’utiliser le terme « actes » sans préciser. J’en reviens à la sagesse de cette solution….Et à propos de l’incapacité…

[…] .

Prés. de Cores: … il y a un état d’incapacité formelle, c’est l’interdiction…tandis que s’il n’y a pas ce stade formel, mais une incapacité de fait, on peut avoir des moments de lucidité ; et c’est un autre régime. On peut, peut-être, ajouter l’expression incapacité pour englober les situations où il n’y a pas d’interdiction formelle mais simplement l’incapacité de fait.

Ruffini Gandolfi: Simplement une précision qui concerne le droit italien, étant donné qu’ici nous parlons du code italien. Nous, en Italie, outre l’interdiction légale, prévue par la loi pénale, comme conséquence ipso iure d’une condamnation pénale, nous avons l’interdiction judiciaire, par effet de laquelle le sujet n’a pas la capacité de suivre ses affaires. Et c’est la forme d’incapacité la plus grave, tandis que l’inhabilitation est moins grave. Mais à présent, on recourt plus fréquemment à un administrateur de soutien…et donc il faut mettre le terme plus général, étant donné que, maintenant, par exemple en Italie, il existe – comme je le disais – un éventail de situations d’incapacité. On pourrait utiliser le mot plus général d’ « incapacité »…

García Cantero: En ce moment-là, en Europe, toute la matière de l’incapacité, de la protection des incapables , de tutelle, de curatelle, etc., se trouve en révision…

[…]

Clavería Gosálbez: Peut-être est-ce venu le moment pour vous rappeler une récente réforme du droit espagnol, selon laquelle le mandant peut nommer le mandataire pour le temps durant lequel le mandant deviendra incapable. C’est une situation très spéciale. Je ne crois pas beaucoup à cette solution, grevée de problèmes importants. Il serait peut être opportun de parler de cette possibilité qui n’est pas prévue dans cet article.

Prés. de Cores: Comme réflexion, on peut dire finale, c’est la proposition de prévoir comme cause d’extinction du mandat, en plus de ce qu’est expressément rédigé dans cet article, l’incapacité totale ou l’incapacité éventuellement partielle, dans le cas où le contenu de ces mesures est compatible avec l’accomplissement du mandat. En ce cas, cela pourrait être le besoin de certaines mesures provisoires ou limitées, qui n’ont rien à voir avec l’accomplissement du mandat ; aussi ne serait-il pas nécessaire d’éteindre un contrat, car cette solution n’est pas désirable. Continuons avec l’article 1723 : « Révocabilité du mandat. Le mandant peut révoquer le mandat, toutefois si l’irrévocabilité avait été stipulée il répond des dommages, sauf s’il avait de justes motifs de révocation. Le mandat qui est également conféré dans l’intérêt du mandataire ou des tiers ne cesse pas par la révocation de la part du mandant, sauf lorsque le mandat a été établi différemment, ou lorsque survient un juste motif de révocation. Il ne cesse pas par le décès ou par la survenance de l’incapacité du mandant ». J’attends des observations.

García Cantero: A mon avis, dans cette dernière partie : « Toutefois le mandat qui a pour objet l’accomplissement des actes relatifs à l’exploitation d’une entreprise ne cesse pas si l’exploitation de l’entreprise est maintenue, sauf le droit de retrait des parties ou des héritiers », il y a une règle spécifique du droit des entreprises.

Prés. de Cores: Y a-t-il des propositions des participants visant les articles qui restent sur le mandat jusqu’à la commission ?

Luna Serrano: Forse converrebbe formulare meglio questa frase che riguarda l’impresa.

Gandolfi: Et ne devons-nous pas penser à la faillite ?

Prés. de Cores: S’il n’y a plus de remarques ou observations, nous levons la séance.